T comme Tiercelin

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L'Amour caché


Pendant un mois je l'ai suivie

Ainsi que font les amoureux ;

Rêveur dans les sentiers ombreux,

De ce bonheur j'ai fait ma vie ;

J'avais l'âme triste et ravie :

Pendant un mois je fus heureux.


Son grand œil brun qui s'effarouche

Dort à l'abri des longs cils noirs ;

Dans l'ignorance des espoirs,

Le sourire attriste sa bouche,

Et sur ce marbre l'homme louche

Viendra briser ses encensoirs.


Je ne sais quel charme, un mystère

L'enveloppe avec majesté ;

Son air plein de naïveté

Force les aveux à se taire,

Et l'on voudrait baiser la terre

Où son pied semble épouvanté.


Bien souvent j'ai dit à mes lèvres :

« Vous parlerez ! » Ce fut en vain.

Timide en cet amour divin

Et dédaignant les aveux mièvres,

Mon cœur a contenu ses fièvres :

Le torrent se creuse un ravin.


Si son âme comme une lyre

N'a pas vibré sous mon regard ;

Si je lui semble un fou hagard

Dont nul n'a compris le délire,

Poète qu'on ne saurait lire

Et qu'on repousse sans égard...


Si mon rêve est une chimère !

— Je veux la suivre sans dessein.

Sa vue est un breuvage sain.

Où je boirai la joie amère

D'un amour, bonheur éphémère,

Que je veux cacher en mon sein.


Louis TiercelinLes Asphodèles

Alphabet poétiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant