Z comme Zidler

21 2 0
                                    

L'Érable


Dans vos vastes forêts croît un peuple innombrable

De cèdres et de pins, d'ormes et de cyprès.

Et pourtant seul, pour vous plus cher et vénérable,

Seul de tant de géants, ô Canadiens ! l'érable

De votre cœur reste plus près !



Lorsqu'en ton triste exil ta mère, ô Crémazie,

T'envoyait du pays un peu de sucre aimé,

Comment y trouvais-tu des saveurs d'ambroisie ?

Pourquoi du sol natal soudain la poésie

Jaillissait-elle encore en ton sein ranimé ?



Revoyais-tu là-bas, lorsque l'hiver s'achève

Par la hache entaillés, tes arbres d'autrefois ?

Lentement, au hasard des vieux sentiers, ton rêve

Entendait-il tomber goutte à goutte la sève

Au fond des "goudrelles" de bois ?



Croyais-tu, comme aux jours de renfance charmante.

Sous quelque toit d'écorce, à la flamme éclairé.

Penché sur la chaudière où la liqueur fermente.

Tirer la "micouenne" odorante et fumante,

D'où s'effile un sirop pareil au miel doré ?


Te croyais-tu creuser le lit de neige pure.

Où se fige, surpris, le clair suc végétal ?

Et sentais-tu s'enfuir l'ennui qui te torture,

Reverdir en tes sens la sauvage Nature,

Quand tu mordais le fin cristal ?



Oui, c'était bien cela dont tu goûtais l'ivresse !

C'était, venu vers toi pour charmer tes douleurs,

Ton Canada lointain, la terre enchanteresse,

Dont l'arôme profond s'offrait à ta tendresse

Dans ce sucre où l'érable avait fixé ses pleurs !



Ah ! l'érable natal, si le Canadien l'aime.

C'est qu'il y voit le fer jusqu'au cœur le meurtrir.

C'est que sa race y cueille un héroïque emblème.

C'est que tu t'y pourrais reconnaître toi-même.

Peuple qui grandis à souffrir !



C'est que l'arbre avec toi. Peuple ! sent la morsure

D'où coule sans tarir son suc doux et puissant ;

C'est que, fils de l'épreuve où ta grandeur s'assure,

Tu portes comme lui l'éternelle blessure,

D'où s'épanchent sans fin les vertus de ton sang !  

Gustave Zidler

Alphabet poétiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant