Le Parfum d'Aphronisée, suite 5

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Mon bouclier se brisa. Je m'écroulai sur le sol. J'étais vidée. Je n'avais plus aucune force. Mes mains et mes genoux frissonnaient irrépressiblement. Mon corps, privé de source de magie, était engourdi, lourd et froid comme la glace. La fumée qui se dégageait de la masse incinérée des corbeaux me piquait les yeux et saturait ma gorge. Je suffoquais péniblement, le menton plaqué contre l'herbe. Mes multiples blessures, pour la plupart encore à vif, brûlaient ma chair et m'arrachaient des gémissements de douleur lorsque j'inspirais.

Mais il fallait que je me relève. Si j'étais encore vivante après tout ça, il fallait que je me relève. J'avais une mission à accomplir...

Mes bras, oscillant comme des tours sur le point de s'effondrer, soulevèrent doucement mon abdomen.

Ils se dérobèrent sous mon poids et je m'écrasai à nouveau lourdement sur le sol.

Soudain, une main chaude, délicieusement chaude, s'entoura autour de ma taille. Le visage de Maeldan, doux et lumineux, m'apparut.

« Comment te sens-tu ? », me demanda-t-il d'une voix vibrante et alarmée.

Je toussai en guise de réponse. Je me sentais...vide. Vide et épuisée.

Mon partenaire fronça les sourcils.

Lui aussi avait l'air défait. Ses cheveux étaient ébouriffés et terreux. Sa peau avait noirci, couverte d'une légère couche de suie. De nombreuses entailles zébraient son visage, mais à mon grand soulagement, aucune ne semblait profonde. Le jeune homme paraissait aussi exténué que moi, cerné et haletant. Mais ses yeux... ses yeux brillaient comme un ciel étoilé. L'azur de ses iris, pur et vif, étincelait d'une lueur vivace. Et soucieuse. Mon partenaire s'inquiétait pour moi.

Je levai lentement la tête vers lui. Ses prunelles m'observaient, en attente d'une réponse.

« Je vais bien..., soufflai-je d'une voix faible. Mais je n'ai plus de magie... »

Ses yeux devinrent tout à coup plus vifs et féroces. Il hocha très légèrement la tête et, sans patienter plus longtemps, me prit par les hanches et me souleva du sol. Le mouvement tirailla ma peau lézardée d'entailles. Je hoquetai de douleur mais me hissai debout en agrippant l'épaule vigoureuse de mon partenaire. Mon poids, auparavant concentré sur mon bassin soulevé, se reporta sur mes jambes. Je chancelai. Maeldan resserra aussitôt sa prise sur ma taille pour me stabiliser.

J'haletai.

Je chuchotai un merci en levant les yeux vers lui. Mon visage était à quelques centimètres de son torse.

Le jeune homme aussi me regardait, silencieux. Il effleura de ses doigts ma joue écarlate de sang. Ma peau brûla au contact de sa main. Mais je restai sur place. J'étais de toute façon trop fatiguée pour me dégager. Et pour une raison qui m'était inconnue, peut-être la frayeur que me causait la vue de si beaux traits ravagés, je levai moi aussi une main pour toucher le cou, le visage du fils de Pyrolaïs.

Cependant, devant l'intensité du regard du jeune homme, je baissai les yeux en même temps que ma main, gênée. Maeldan recula de quelques pas et inspira profondément.

« Je vais bien, m'assura-t-il. Je ressemble plus à un blessé de guerre qu'à un émissaire en mission diplomatique, mais je vais bien. »

L'image me fit sourire, mais mon partenaire resta très sérieux.

« Mes flammes ont bien fait leur travail. »

En effet, ses plaies ne formaient, pour la plupart, plus que de minces lignes rouges blanchies. Elles ne saignaient plus, et ne semblaient plus lui faire mal. En embrasant son corps et les alentours, il avait complètement cautérisé ses entailles. Pas étonnant qu'il soit en meilleur état que moi...

Céleste Solane, Le Parfum d'AphroniséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant