Le Parfum d'Aphronisée, suite 7

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Comment avait-elle fait pour arriver ici sans qu'on la remarque ? Alors que quelques instants plus tôt, elle était en train de...

Je chassai les images qui surgissaient à cette pensée dans mon esprit, et je m'empressai de m'accroupir le plus bas possible, sans voix. Mon front était à quelques centimètres du sol.

Je jetai un coup d'œil en arrière, vers Maeldan. Mais je n'osais pas me relever, de peur de commettre une erreur. Mon partenaire connaissait mieux que moi les codes de politesse en usage chez les dieux. J'attendais donc, le cœur battant jusque dans mes oreilles.

Plus personne ne parlait. Pourtant, je sentais le lourd regard de la déesse peser sur mon corps, comme si un aimant tentait de m'écraser sur le tapis rouge sang.

Comme si elle désirait que je me prosterne davantage, encore plus bas.

Je pris mon mal en patience, les jambes légèrement tremblantes et douloureuses. Je m'efforçais de garder le regard fixé sur le bord du tapis pour ne pas trembler de plus belle. De peur ou de douleur, la différence importait peu.

J'entendis un nouveau claquement de langue, signe impérieux pour que nous nous relevions. Je fis de mon mieux pour me redresser en douceur. Ce fut suffisant pour embraser à nouveau mon dos. Je réprimai une grimace. Maeldan se releva avec adresse et s'avança à ma hauteur.

Lorsque je levai les yeux, je croisai le regard flamboyant de la déesse.

Sa beauté me foudroya.

D'un bleu profond comme celui de l'océan, les prunelles de la déesse de l'amour ne quittaient pas mon visage. La lueur malicieuse que j'y décelais contrastait avec la douceur de ses traits, réguliers et parfaitement harmonieux. Sa peau lisse et cuivrée paraissait dorée sous les rayons du soleil qui l'auréolaient. Ses cheveux, d'un châtain de miel, retombaient en larges boucles sur ses graciles épaules à demi-nues.

Ainsi, dans sa robe de soie et de dentelles cramoisie, éblouissante de lumière, Aphronisée pouvait aisément passer pour la déesse solaire.

Mais son sourire carnassier, trop rouge sur des dents trop blanches, me donnait l'impression d'être entrée dans l'antre d'un loup sans y avoir été préparée.

Je détournai rapidement le regard pour me recomposer.

Et Maeldan était immobile comme une statue, le regard fixé sur les pieds d'Aprhonisée.

La déesse de l'amour posa négligemment le bras sur l'un des accoudoirs de son trône nocturne, croisant les jambes.

« Eh bien, eh bien... », commença-t-elle d'une voix chantante.

Son sourire félin grandit lorsqu'elle posa lentement les yeux sur Maeldan.

A cette vue, un frisson remonta le long de mon échine.

« C'est que je suis en bonne compagnie, aujourd'hui... Le plus célèbre, le plus cher fils de Pyrolaïs et sûrement son meilleur combattant... »

Le jeune homme hocha très légèrement la tête, acceptant le compliment.

Les prunelles cobalt de la déesse s'arrêtèrent à nouveau sur moi. Elle se tut quelques secondes.

« ...Et la Edunamênê komizeïn ton phôton*, comme ils disent, en personne... Quelle surprise ! », commenta-t-elle, d'une voix trop douce à mon goût.

Je tiquai au nom qu'elle me donna. La Edunamênê komizeïn ton phôton... Je ne connaissais pas ce titre... D'où est-ce que cela venait ? Qui m'appelait ainsi ?

Céleste Solane, Le Parfum d'AphroniséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant