Dans une contrée fort lointaine, au confin des mondes et dans un pays où la magie est omniprésente, vivait une jeune fille fort magnifique nommée Belle.
Belle était dotée d'une intelligence et d'une vivacité d'esprit surprenante, qui étonnait mais surtout effrayait les hommes et les femmes de son village. Personne ne comprenait vraiment sa passion pour la lecture et son apparente froideur. Élevée seule par son père, un savant fou, elle n'avait que les livres pour s'évader au quotidien. En effet, cet homme, Hemrich Kinton, était connu pour être quelqu'un de très cruel. Les rumeurs circulaient dans le village affirmant qu'il avait tué sa femme lors de ses expériences interdites sur le corps humain. D'après lui elle avait succombé à la peste, il n'avait donc pas été inquiété par la justice des anciens du village...
Belle connaissait la vérité, et cela n'avait pas empêché Hemrich de continuer les expériences sur sa fille de sept ans, à l'âge où les autres petites demeuraient innocentes et jouaient à la poupée, elle voyait de ses propres yeux jusqu'où pouvait aller le sadisme humain.
Lorsque le monstre remontait de son atelier après de nombreux jours de silence, elle guettait ses pas et s'enfermait dans sa chambre exiguë. Malheureusement, il avait déjà assis sur elle sa détestable emprise, la contrôlant comme une poupée désarticulée. Elle ne pouvait se soustraire à cette voix qui lui murmurait depuis la porte.
« - Belle...Belle...vient Belle... »
Malgré ses mains sur ses oreilles, malgré ses hurlements de terreur, la litanie s'insinuait dans son cerveau et intimait à ses muscles de bouger. Son regard était alors irrémédiablement attiré par la poignée et sa main gantée se levait pour la tourner. La porte s'ouvrait sur un être ignoble. Ses cheveux blanc filasses pendaient mollement autour de son visage, ses petites lunettes soulignaient la courbe de ses yeux porcins et noirs, un rictus s'imprimait sur ses lèvres gercées et découvrait ses dents jaunes. Son haleine fétide donnait la nausée à la jeune fille qui ne pouvait pas baisser la tête, prisonnière de son propre corps. La blouse blanche maculée de sang séché et le couteau dans la main droite de son père achevait ce tableau horrifique.
« - Belle...Belle...vient avec moi... »
Bien malgré elle, la jeune fille le suivait, incapable de contrôler ses membres totalement soumis à la volonté paternelle.
S'ensuivait alors des heures et des heures de torture, où Belle n'avait plus la notion du temps, allongée sur une table en fer qui lui brisait le dos, immobilisée par des liens, une forte lumière braquée sur son visage l'empêchant de voir ce qui se passait. Généralement la douleur arrivait quand elle s'y attendait le moins, le plaisir sadique que prenait son père à la découper, à tester, à prélever la faisait hurler pendant de longs instants qui lui paraissaient des siècles.
Les sanglots n'attendrissaient pas le monstre qui souriait de toutes ses dents pourries lorsqu'elle le suppliait en hurlant.
Puis, son corps enfin rappelé à lui-même la perdait alors dans les méandres d'une dimension où la douleur n'existait pas. Elle flottait entre deux mondes, toutefois très attaché à la vie par le sort démoniaque de son père.
Encore la douleur. Toujours cette douleur.
Les heures passaient, mais plus aucun son ne passait les lèvres de la jeune fille, ses yeux vides fixaient la lumière dans ciller. C'était le signal d'arrêt, ces yeux là signifiaient que malgré le sortilège, la mort s'emparait doucement de son âme.
Cela faisait plus de dix ans qu'Hemrich jouait ainsi avec la mort de sa propre fille, il la laissait inconsciente après avoir terminé, baignant dans son sang et dans ses chairs découpées. Avec un geste dédaigneux il la réparait, recollant les morceaux décollés. Mais la douleur était toujours trop vivace. Le comble de la cruauté était lorsqu'il lui aboyait :
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La Malédiction de Belle
Short Story« Si un jour on m'avait dit que mon destin me mènerait jusqu'ici, j'aurais sûrement rit...ou pleuré. Certaines fois, il m'arrive de repenser à mon passé, aux valises que je traîne depuis si longtemps. Ma quête m'a menée là où jamais je ne me serais...