Le bonheur retrouvé (terminé)

Chloé

Les premières lueurs du jour apparaissent au travers du store californien. J'ai passé la nuit sur le fauteuil de cette chambre qui me semble si froide. Le blanc prédomine, une petite table métallique se trouve dans un coin de la pièce, j'y ai déposé quelques affaires cette nuit, lorsque j'ai décidé de rester ici. Je n'ai presque pas dormi, les bips réguliers de l'électrocardiogramme ont rythmé mon sommeil. Ma sœur ne s'est toujours pas réveillée, elle est inconsciente depuis son arrivée. Les médecins restent sur la réserve, ils considèrent qu'elle a eu beaucoup de chance d'être encore en vie après le choc qu'elle a subi. En plus d'être dans le coma, elle a une commotion cérébrale, ainsi que plusieurs cotes de brisées, sans parler des multiples hématomes qui lui couvrent le corps.

Je reste là, auprès d'elle, je surfe sur la toile avec mon téléphone portable pour passer le temps. Que puis-je bien faire de plus pendant ces longues heures d'attentes d'un éventuel réveil de Lise.

Je peux lui parler, lui demander de revenir, mais je me sens tellement impuissante. Je ne suis même pas sûre qu'elle puisse m'entendre et réagir au son de ma voix.

Je reste silencieuse, le nez dans mon téléphone, lorsque j'entends la porte s'ouvrir délicatement. Je ne m'attendais pas à voir ce visage aussi rapidement. Les yeux bouffis trahissent son état. Elle a dû rester toute la nuit à veiller dans cet hôpital. Comment ose-t-elle venir après ce qui est arrivé ? Je ne peux pas laisser passer ça.

—    Je peux savoir ce que tu fais là ?

—    Je suis venue voir ma petite amie...

—    Tu es sûre de ce que tu avances, il me semble que lorsque nous sommes arrivées ta bouche était occupée avec une autre !

—    Je sais ! Mais crois-moi je n'ai jamais voulu que ça arrive ! Ta sœur compte énormément pour moi...

—    Son ex disait la même chose. J'avoue avoir des doutes sur ce que tu es en train de me dire.

—    Ne me compare pas à Sophie ! J'ai été une vraie lâche je n'ai pas réussi à être assez ferme avec mon ex... Elle a une telle emprise sur moi... C'était mon premier amour... Et le seul jusqu'à ce que je rencontre ta sœur...

—    Et c'est bien ça qui me fait peur, si à chaque fois qu'elle revient tu ne sais pas la repousser, ça signifie que tu n'aimes pas suffisamment ma sœur et que tu devrais partir d'ici.

—    Je ne peux pas partir avant de lui avoir dit...

—    Et je ne peux pas te laisser la faire souffrir ! On fait quoi ? la défié-je.

—    Je sais qu'il est sûrement trop tard, mais je ne lui ai jamais dit, je pensais ne jamais pouvoir ressentir de l'amour pour une autre personne... Je te fais le serment d'être à la hauteur pour ta sœur...

—    Ma sœur a toujours été impulsive. Je ne sais pas vraiment ce qu'il se passe entre vous. Il faut dire qu'en ce moment on est un peu en froid toutes les deux. Mais je sais que lorsque ma sœur se donne pour quelqu'un elle se donne à cent pour cent. Je ne veux plus la voir dans cet état tu comprends.

—    Je te comprends ! Et si Lise me laisse une chance de me rattraper, je te promets que je la comblerais, jamais je ne referais d'erreur. Chloé, j'aime ta sœur et je souhaite la rendre heureuse. Il n'y aura plus de Adèle ! Je te le jure... laisse-moi voir Lise s'il te plait. me supplie-t-elle.

—    Elle est mal-en-point. Pour le moment, les médecins ne sont pas très rassurants. Que feras-tu si elle garde des séquelles ou que cette putain de voiture l'ait rendu handicapé. Fuir ?

—    Non ! Je ne vais pas fuir, j'assumerais si elle est là aujourd'hui c'est à cause de moi ! Alors même si elle ne veut plus de moi, je ne serais jamais loin... Mais si elle me pardonne, je la soutiendrais quoiqu'il arrive.

—    Tu as plutôt intérêt Gabrielle. Sache que si elle te laisse une chance je serai là pour te rappeler que c'est ta dernière.

—    Je sais et ne t'inquiète pas, je la rendrais heureuse... Puis-je aller la voir ?

—    Tu as cinq minutes, je vais me chercher un café.

À contrecœur, je laisse Gabrielle avec le corps inerte de ma sœur. Un dernier regard, je constate le chagrin qui s'empare d'elle.

La vibration dans mes mains me rappelle que je discutais avec une charmante demoiselle avant que Gabrielle n'arrive. Sans vraiment comprendre pourquoi et après avoir vécu une histoire chaotique avec Mélissa, j'ai décidé de m'inspirer de ma sœur pour trouver une jeune femme qui voudrait bien de moi. Pour une fois, j'ai l'impression que mon karma et mon bonheur se situent derrière une adresse IP.

Je longe le couloir blanc de l'hôpital tout en étant plongé dans mon smartphone quand par le plus grand des hasards, je me retrouve le cul par terre. À la recherche de mon précieux sésame, je n'ai pas encore constaté que la jeune femme à mes côtés fait la même chose.

—    Je suis vraiment désolé. Je ne regardais pas où j'allais. dis-je aux yeux verts fixés sur moi.

—    À vrai dire je ne pense pas que les excuses soient de rigueur dans ce genre de situation, j'y suis aussi pour quelque chose, dit-elle en me secouant son téléphone devant le nez.

—    Ouais ! On est tous un peu accros à ce genre de parasite.

—    Parle pour toi ! Je dois juste passer un appel. Je dois y aller, dit-elle avant de décamper.

—    Charmante, vraiment charmante, pensé-je, en la regardant partir un sourire aux lèvres.

Je continue mon petit bout de chemin en direction de la cafétéria, le nez toujours plongé dans ma conversation. C'est bien la première fois que je m'amuse à discuter sur internet avec une personne que je n'ai jamais vu auparavant. Pourquoi ne pas essayer, ma sœur a bien rencontré Gabrielle. Certes leur relation n'est pas au beau fixe, mais elle me semblait heureuse avant cette maudite soirée.

En y repensant, je m'en veux d'avoir été désagréable avec Lise, le soir où elle s'est pointée chez moi avec un large sourire sur le visage. Elle voulait me raconter sa rencontre avec celle qui a su conquérir son cœur. Aujourd'hui, elle est clouée dans un lit d'hôpital, connectée à une multitude d'appareils.