Le facteur

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   Il s'est arrêté de pleuvoir ce matin là, les trottoirs et les rues londoniennes étaient bien lavées par les précipitations de la nuit précédente et l'atmosphère correspondait parfaitement avec celle d'un mois de novembre pluvieux. Tout était humide, la grisaille produite par un immense flot de nuages couvrait le ciel. Une rue remplie de bâtisses au toits de tuiles noires et aux murs de briques rouges. C'est sans doute le même schéma urbain dans toute l'Angleterre mais on s'en accommodait volontiers. L'horloge indiquait neuf heures et quart, l'odeur de pain grillé s'estompait dans la cuisine et dehors les tristes arbres plantés dans les pavés perdaient leurs feuilles une à une.

   Arthur Gunarsson regardait par sa fenêtre sa petite Toyota starlet rouge importé directement du Japon lorsqu'il a aperçu le facteur au bout de la rue sur son vélo. Arthur, avec pour seul vêtement un boxer, se dirigea vers la chambre encore endormie pour y prendre son peignoir. Il entra, et, à pas de loup fit le tour du lit, étira son bras jusqu'à la chaise et ressorti de la pièce avec la même légèreté. Il referma la porte doucement, entendant le sommeil sourd et profond de son compagnon. Il descendit les escaliers marche après marche en enfilant son peignoir et se dirigea vers la porte. Il faisait bien attention de ne pas faire de bruit, il n'était pas maladroit mais on peut le caractériser de la même manière qu'un éléphant dans une boutique de porcelaine. Arthur est un très grand et très bel homme d'environ un double mètre, ses bras sont eux aussi très grands, tout comme ses jambes, ce qu'il lui donne donc en somme une très grande envergure. Sa large main se posa sur la poignée de la porte et il ouvrit soigneusement celle-ci.

   Le facteur pédalait sur son vélo et lorsqu'il parvint au seuil de la modeste demeure des Gunarsson-Koffi, il vint lui remettre en main propre le colis ainsi qu'un recommandé de l'ambassade. Dehors il faisait un peu froid, le vent d'hiver se leva lorsqu'il remonta sous le porche et un carillon d'église sonna au même moment. Ce qui est plutôt étrange puisque la cathédrale Saint-Georges sonnait à sa connaissance, seulement toutes les heures. Quoiqu'il en soit, touché par le froid et l'humidité il rentra préparer le thé. Arthur se dirigea vers le meuble en face de l'évier, traversa d'abord le salon et vit son reflet dans le grand miroir qu'avait acheté son petit ami lorsqu'ils avaient emménagés ensemble. Il se souvint de ce qu'il lui avait dit la première fois qu'ils s'étaient embrassé. Hormis qu'il l'aimait, il avait souligné qu'Arthur avait une allure d'oiseau, qu'il avait du naître humain, mais que son corps était longiligne comme un cormoran. Bien sur tous les autres aspects physiques qu'avait le jeune homme était à l'opposé de cet oiseau noir, il avait de longs cheveux blonds, presque blancs. Des immenses yeux vert, un grand nez centré et une mâchoire carré aux joues quelque peu creusées par sa relative maigreur. On le comparaît souvent au premier abord à Rodgers, le batteur de Quenn mais après un peu de temps passé avec lui, on ne lui connaissait personne de comparable. C'était un homme réfléchi dans l'irrationnel, avec de grandes vertus, beaucoup d'engagements et de valeurs morales. Bien qu'il paraissait timide, il se contentait de dire le nécessaire dans les mots les plus justes. Ce n'était pas un bavard mais cela ne l'empêchait pas d'être passionné.

   Arthur Gunarsson continua son chemin jusqu'à la table où il ouvrit le courrier, d'abord la lettre de l'ambassade qui l'informait de la tenue d'une conférence dans un amphithéâtre universitaire pour l'étude de la langue islandaise. Puis la seconde enveloppe, plus grande, au papier jauni par le temps et à l'écriture parfaitement équilibrée. Plusieurs timbres de la reine par dessus celui-ci en faisait une lettre exceptionnelle, sujette à toute supposition concernant son contenu. L'horloge du salon sonne, il est neuf heure vingt-cinq.

La dernière citéWhere stories live. Discover now