La Bibliothèque

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   Arthur faisait défiler les pages internet sur son ordinateur portable mais il ne trouvait pas grand chose. D'abord parce que la langue dans laquelle il recherchait des informations ne correspondait pas à celle que l'on utilise en Bretagne, ensuite parce qu'il ne savait pas vraiment quoi chercher. Après une bonne heure de temps perdu il décida de se rendre à la bibliothèque universitaire, plus connue sous le nom de "Senate House Library". Une petite demi-heure de vélo plus tard, il pénétrait dans le hall du prestigieux bâtiment. Tant de livres étaient réunis au même endroit, il y avait aussi de grands fauteuils, d'immenses canapés et des tables encore plus vastes. Chaque détail était majestueux dans cette cathédrale du silence. Arthur s'avança de quelques pas et s'arrêta à la hauteur d'une des nombreuses bibliothécaires, il lui demanda : « Bonjour, excusez-moi, je suis à la recherche de quelque chose d'assez flou et j'aurais besoin de renseignements » il lui tendit la photo et demanda où pouvait-on trouver des informations sur les villages de Bretagne. La bibliothécaire dont le nom, Mrs Ramie était cousu sur son haut vert, répondit qu'il fallait se rendre dans l'aile Est, au cœur du département d'histoire et de géographie où les régions d'Europe étaient classées dans l'ordre alphabétique. Ainsi débuta une longue prospection parmi des manuscrits plus étranges les uns que les autres. A chaque fois qu'Arthur ramenait un ouvrage et qu'il le posait sur le bois de la table, un peu plus de poussière s'accumulait. Le temps s'écoulait patiemment, cependant la lune ne pouvant plus se retenir, sonna le glas et Arthur dût allumer la lampe de bureau pour mieux voir les mots et les illustrations des livres qu'il empruntait. Néanmoins, malgré la fin inéluctable de cette journée et sans doute par la même occasion la fermeture occasionnelle des portes en fer de la bibliothèque, Arthur sentait que la revue qu'il avait entre les mains approchait de la vérité qu'il recherchait. Celle-ci traduite en français, Imaginaire et Inconscient, traitait d'une ville, d'un village, d'un endroit désormais oublié et introuvable appelé « Ys ». Cela faisait depuis plusieurs ouvrages qu'il retombait sur les mêmes noms de villes, qu'il les gardait dans son esprit. Ainsi l'article, « La ville d'Ys, illustration mythique d'un encryptement collectif » résonna dans la mémoire d'Arthur et même s'il s'agissait d'un travail de psychologie où l'auteur s'intéresse plutôt à l'interprétation du mythe, Arthur lui est presque convaincu d'avoir sur sa photo, une résurgence de la cité d'Ys. Mrs Ramie de son pas rythmé par le bruit des ses talons rappelait aux derniers forcenés du travail, qu'il était temps de rentrer chez eux puisque la bibliothèque fermait dans un quart d'heure. Arthur la croisa après avoir rangé la dizaine d'ouvrages et de revues puis passa à nouveau les portes du bâtiment avant de s'asseoir sur les marches du perron. Il fit glisser son sac à main sur sa cuisse et y chercha d'un geste assuré ses clefs de cadenas. Après avoir trouvé celles-ci il s'en alla en direction de son vélo, se mit en selle et à commença a pédaler. Le trajet fut bien plus long qu'à l'aller, ses jambes étaient lourdes et il était quelque peu endormi, il se mit même a bailler au milieu d'un carrefour.

   C'est avec le souffle haletant et le regard fiévreux qu'il rangea le vélo au fond du cabanon et qu'il retrouva Sishayi allongé sur le tapis de yoga. Bien étonné de le voir rentrer si tard, et encore plus de le voir filer à la douche si rapidement, Sishayi fit quelques étirements et servit le dîner dans deux larges bols. Lorsque son amant redescendit, ils s'installèrent sans trop de mots dans le salon, au fond de leurs fauteuils respectif et avalèrent le potage en silence. Sishayi s'éclipsa un instant pour aller chercher le dessert, un gâteau aux fraises qui venait de la pâtisserie voisine, et lorsqu'il revint, Arthur avait ouvert sur ses genoux un petit livre. D'une voix tendre et chaleureuse, revivifiée par la douce cuisine de son charmant ami, il prit commença ce récit : « Il était une fois, une belle et riche ville de ce royaume. A sa tête, rois et reines, princes et princesses, fées et divers êtres peuplaient cette cité merveilleuse. La cité d'Ys était l'une des plus impressionnantes et des plus connues de toute la contrée, sa renommée venant du fait qu'elle fut bâtie au milieu de la mer. Entourée d'eau, d'immenses digues la protégeait des temps capricieux, une porte gigantesque et infranchissable en fermait l'accès. Seule une clé au cou du roi en permettait son ouverture. Les habitant.e.s d'Ys s'abandonnaient entre ses murs aux fêtes décadentes et aux plaisirs du vin. C'est alors qu'un beau jour, un jeune homme séduit la fille du monarque tout puissant et la persuada de voler la clef de la porte de son père. C'est en ouvrant les immenses portes que le jeune homme se transforma en diable et disparu au même titre que cette cité magique. De nos jours, bien que l'on ne peut la voir réellement, de nombreux pécheurs et de nombreux gens entendent les cloches tinter de la cité engloutie. ». Sishayi resta silencieux et Arthur reprit : « Je ne t'ai pas raconté cette histoire seulement pour te rappeler le folklore de notre semaine passée mais aussi parce que je pense que cette cité se trouve sur l'une de nos photographies ». Un peu décontenancé et croyant avoir à faire à une allusion romantique, Sishayi sourit pendant un instant mais devant le sérieux de son interlocuteur il demanda : « Puis-je voir cette dite photographie cher conteur ? ». Arthur ouvra la pochette contenant les photographies développées et les feuilleta une à une, pourtant il ne trouva pas la photo dont-il parlait. Un peu agacé il se retourna et prit son manteau, le fouilla, puis ce fut autour de son sac mais le résultat fut le même. Il n'y avait rien. Il ne l'avait pas amené avec lui à la bibliothèque parce qu'il avait eu peur que la pluie la tache sur le chemin, et il était sûr de l'avoir laissé dans la pochette. D'une tournure un peu maladroite il dit honteusement à Sishayi qu'il l'avait perdue, ce dernier un peu déçu feuilleta tout de même les photos avec un large sourire puis s'allongea dans le canapé.  

La dernière citéWhere stories live. Discover now