P'TIT CON tome 2

1# DIAMANT

14 novembre 2015

Journée de merde, horrible.
J'ai pas fermé l'oeil. Toute la nuit au tél, devant l'ordi.
À m'inquiéter au point de vomir.

Jusqu'à ce qu'Hak me réponde...
En sécurité, loin de Paris. Lui et toute la clique.
Puis des SMS rassurants de Karl, de Mel, de Cat...

Enfin, j'ai pu reprendre de l'oxygène.
J'étais prête à rentrer. J'imaginais le pire. Même lui, oui, lui, allongé au sol gisant dans une mare de sang.

Ma ville, ma culture, notre façon de vivre, le Bataclan, putain le Bataclan...
J'crois que j'ai jamais autant été française qu'aujourd'hui. J'crois que j'ai jamais eû autant peur.
Peur pour ceux que j'aime. Tout ceux que j'aime et que j'ai laissé derrière moi.

Première fois, que je me hais d'avoir pris cette décision si difficile. J'ai eu des regrets, des remords bien avant l'aéroport.
Rien de comparable à ce que je ressens depuis hier soir.
Cette fracture, cette douleur lancinante, aussi profonde que l'océan qui m'empêche de les serrer dans mes bras.

La plus longue discussion, je l'ai eu avec ma crevette. Exilée à Londres, loin de moi, on avait besoin de se rasséréner. Ensemble.
Toujours, même loin des yeux.
À jamais dans le coeur.

J'ai délaissé mon frère en soupirant. Il partait au boulot.
Et moi, j'avais un colis à récupérer, avant d'aller au mien.
Mort dans l'âme et dans le coeur.
Ouais, pas de livraison, d'UPS où j'habite, à part de came et d'armes.
Là, pas de soucis.
Pour le reste, transport obligatoire. Jusqu'au centre commercial le plus proche.

Je sais pas trop de qui ça vient. D'Angleterre ou de France, peu importe, au fond, c'est une attention, quelqu'un qui pense à moi. C'est devenu une habitude, en tout cas avec ma crevette , Deen ou Doumy de s'envoyer des petits paquets.
Et, en ce jour funeste, ça me réchauffe encore plus.

Sauf que je me t'attendais pas à un truc de cette taille.
C'est quoi ce délire ?
Pas léger en plus !
Deenou t'abuses !

Expéditeur :
K. S.
Seine Zoo records

Je me fige instantanément.
K.S.
Des frissons me parcourent l'échine.
Je n'ai pas reçu de nouvelles de lui. Malgré ma curiosité maladive, je n'en veux pas.
Je veux oublier. Je voudrais.
Je n'y arrive pas.
Ma prise de distance géographique devait aller de paire avec la distance morale.
Si seulement...

Sans m'en rendre compte, je me suis écroulée sur le premier banc venu.
Je regarde ce carton comme s'il allait m'exploser à la gueule.
K.S., terroriste de mon coeur.

Sauf que de celui-ci, on en meurt pas. On se dégrade en tombant plus bas.
Voilà pourquoi on dit "tomber amoureux". Parce que c'est une chute, vertigineuse. Un précipice émotionnel qui vous fragilise, vous détruit. Tomber amoureux jusqu'à se fracasser la gueule moins fortement que l'âme.

J'hésite.
J'hésite. Jetter direct ou ouvrir.
Rien que des initiales et je reviens en arrière.
Et je me sentais mieux.
Vaste fumisterie.
La boule revient dans mes tripes.