Ce soir là, alors que je ramène Camille chez moi après une « folle soirée » d'une de ses copines de bars miteux, celle-ci semble réfléchir. Je n'y fais pas forcément attention et continue simplement de râler sur combien je me suis ennuyée à tenir la chandelle entre cette Sophie et son petit ami, enfin celui pour seulement un ou deux soirs, puis Camille se met à me fixer. Lorsqu'elle daigne enfin parler, je reste surprise :
« - Alice, c'est quoi l'amour ?
Mon cerveau, peu actif après quelques verres de trop et empli de fumée diluvienne, ne s'active pas assez rapidement qu'elle a le temps de continuer.
- Non vraiment, je me demande, c'est tout flou dans ma tête tu sais ? Y a plus rien qui m'attire et puis les filles sont moins jolies, leurs lèvres ne sentent plus la douce vodka mais seulement un alcool au goût de détergeant qui serait subitement mélangé à du multi-fruits Leader Price...
- Mon dieu ma Camille, tu divagues ce soir ! C'est normal parfois de n'avoir envie de rien tu sais !
Elle sourit tristement, soupire contre la vitre de ma voiture et dessine je ne sais quelle forme avec la buée.
- J'y pense souvent tu sais... à ton amour pour moi.
Je manque de rentrer dans la voiture de devant. Pourquoi tout à coup cette discussion revient à mes sentiments pour elle ? De toute façon ils sont sensés avoir disparus.
- Camille, tu te montes la tête là. Tu sais que si tu as besoin d'affection ou de parler je suis là. Mais ne blague pas avec des choses pareilles. Certains pourraient être bless...
- ALICE.
Une nouvelle fois, mon pied appuie au dernier moment sur la pédale de frein. Mon cœur bat terriblement vite et je sens mon esprit espérer, comme une adolescente en attente de son premier amour. Mais là j'ai 23 ans, un appartement et Camille qui squatte mon corps et ma chambre. C'est tout, respire.
- T'as fini de me faire peur ? Qu'est ce qu'il se passe bon sang pour que tu sois si remontée ? »
Je sens à nouveau ses yeux sur moi, pas seulement sur mon visage cette fois-ci mais sur tout mon corps. Elle détaille chaque partie de moi encore et encore, sans un mot, jusqu'à mon immeuble.
On sort toutes deux de la voiture, moi avec plus d'énergie et le soulagement de ne pas avoir causé d'accident de la route. Nos pas résonnent dans le grand escalier jusqu'au quatrième étage, Camille quitte ses chaussures et je fais de même. Alors que je me dirige vers le frigo, ma demoiselle me saisit l'avant bras et me dit, droit dans les yeux :
« - Alice, j'étais plus que sérieuse tout à l'heure. Je suis amoureuse de toi.
Je ne peux me contenir et lui ris au nez. Elle lâche mon bras, le regard vers ses pieds et alors que je prends à nouveau la direction de la cuisine pour boire un verre d'eau elle finit.
- J'ai compris. »
J'étais donc en train de me servir ce verre lorsque je la vois remettre ses chaussures et aller vers la porte d'entrée. Je pose rapidement le verre et active le pas pour l'en empêcher. Elle s'arrête et continue de fixer le sol.
« - Camille voyons. Comprend moi bordel, comment peux-tu dire ça si facilement ? Deux ans Camille. Deux ans que je t'aime et que je laisse taire mon amour derrière chaque sourire et chaque moment où ma peau peut toucher la tienne. Alors arrête mon dieu, arrête ce cinéma ! Qu'est ce que l'amour ? C'est ça Camille. C'est souffrir en silence pour l'autre. Alors n'ose plus en parler comme si c'était rien, qu'on chopait ça tel un rhume et que dans deux mois on sera guérie. Je suis pas prête à ça Cam', je suis pas prête à ton départ.
Je l'entends sangloter, elle met quelques secondes avant de répondre, ravalant ses dernières larmes :
- Mais Alice je sais que c'est ça ! Je le sens là ! -Elle met sa main sur son cœur - Et ça fait mal quand t'es loin. Ne me dis pas que c'est rien Alice et fais moi tomber amoureuse de toi. Je t'en prie.
S'en est trop, elle finit dos à la porte, mes bras de chaque coté de son corps l'empêchant de fuir.
- Ah vraiment ? Tu veux tomber amoureuse de moi ? - Son regard devient plus timide lorsqu'elle hoche la tête .- Noie toi dans mes yeux, dans mes paroles. Prie pour que je ne m'arrête jamais de te parler. Pour que chacun de mes sourires et rires te soient destinés. Désire moi, à en brûler, que chaque caresse embrase ton corps et ton cœur et espère que plus jamais personne ne pourra te toucher comme moi. Implore la chaleur de ma bouche sur tes lèvres chaque seconde et celle de ma langue contre la tienne ou le long de ton corps. Deviens jalouse, maudit chaque personne qui aura accès à ce que tu n'as pas, jusqu'à en avoir mal au cœur, à en avoir des nausées. Pleure pour moi, dès que mon absence te pèse ou que je feins l'ignorance par pure fierté. Possède moi, entièrement ; qualités, défauts, recettes de cuisine et gueule acnéique quand j'arrêterai la pilule. Cam' tu ne prétends même pas à une seule des choses que j'ai pu citer. Ça n'en vaudrait pas la peine, nous n'en vaudrions pas la peine. Alors pour ce soir, finis seulement dans mon lit et laisse moi t'avoir. Parce que mon amour, je meurs d'envie de toi à chacun de tes regards et pire encore quand celui-ci détaille chaque parcelle de mon être par inadvertance.
Elle ne répond pas, ses mains enlèvent doucement son haut et glissent le long de mes bras. Ses lèvres mouillées par les pleurs effleurent les miennes ; s'en est fini de moi. Je suis bien plus à elle qu'il ne le faut et deviens totalement manipulable. Nos vêtements finissent étalés le long du couloir, et la chambre. Les volets encore ouverts sur la ville éclairent faiblement nos corps qui s'entremêleront jusqu'au lever du jour.
Il est huit heures quand mes yeux finissent enfin par avoir le droit de se fermer, Camille respire lentement, étalée sur mon corps encore luisant de nos ébats. Le sommeil m'emporte déjà lorsque je discerne dans un murmure, presque soufflé :
« - Alice, je t'aime. »
JE SUIS SI RAPIDE
Ana
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Le Briquet
RomanceUn briquet et une histoire d'amour non sans embûches : celle d'Alice et Camille.