1

38 7 1
                                    

Savez-vous pourquoi nous rêvons ?

Non? Moi non plus. En réalité, je doute que quelqu'un sur cette terre ne sache expliquer, avec précision, un phénomène si complexe et mystérieux.

Autrefois, le rêve avait une connotation péjorative avant de gagner le sens familier que nous connaissons aujourd'hui. Je ne saurais y donner une définition très éloquente, hormis qu'il s'agit du fruit de diverses activités psychiques du cerveau en état d'inconscience – plus précisément, lors de sa phase paradoxale. Mais de toute évidence, le rêve n'est ni hallucination, ni rêverie. Alors qu'est-ce donc?

Beaucoup se sont penché sur le sujet, par le passé.

Sigmund Freud vous dirait qu'il s'agit de l'accomplissement d'un désir refoulé. Carl Jung, lui, s'y opposerait avec l'idée que le rêve veille plutôt au maintien de l'équilibre de notre psychisme. Des religieux réfuteraient, car il est pour eux un instrument de Dieu visant à communiquer avec ses Hommes, ou, pour d'autres, un message envoyé par le diable. Oh! Et saviez-vous qu'une croyance chamanique décrète que le rêve naît de l'évasion de l'âme lors de la phase du sommeil?

Toutes ces interprétations sont bien sympathiques, mais aucune d'elle ne répond réellement à ma question. Dans tous les cas, qu'il ait pour origine la divinité, le démonisme ou une source purement scientifique, je pense que nous pouvons tous être d'accord sur un point: pour rêver, il faut dormir.

Et en l'occurrence je ne dors pas.

Alors pourquoi me retrouvé-je en plein cauchemar?

Réveille-toi, me dis-je.

Mais j'ai déjà les yeux ouverts.

Seuls mes globes oculaires obéissent aux signaux que mon cerveau leur envoie; mes membres, eux, sont aux abonnés absents. Peut-être suis-je en train de vivre ce qui s'appelle la paralysie du sommeil – chose effrayante mais assez courante, paraît-il. Ou alors je suis en train d'expérimenter un rêve lucide. Je n'en sais rien. Ma conscience est bien présente, toutefois je ne possède aucun contrôle sur mon environnement, ni même sur moi.

Je me demande si mon sommeil paradoxal a débuté. Je me demande si même mon sommeil a débuté? Ah, et question assez absurde mais non négligeable: est-ce le jour, ou la nuit?

Regardez par la fenêtre, me direz-vous, et voyez si le soleil pointe le bout de son nez à l'horizon. Ha! Mais mes braves gens, je ne puis remuer un seul doigt. Ma fenêtre me semble si loin! Et ne savez-vous pas que lumière n'est pas synonyme de jour? Tout comme l'obscurité ne veut point dire nuit?

Ah. Je vois que vous n'êtes pas très d'accord. C'est vrai, après tout, il existe des propriétés fondamentales à notre monde et il y a de fortes chances que vous ayez toujours connu la suivante : jour et nuit se succèdent suivant le mouvement et la position de notre planète bleue par rapport à l'étoile la plus volumineuse de la galaxie, le soleil. Mais qui a décrété que les nuits seraient obscures? Qui a décidé que les journées seraient lumineuses ?

Pourquoi pas des nuits blanches, et des jours plongés dans l'ombre ?

Décidément, je me sens bien envieux. Celui ou celle qui a choisi, il y a fort longtemps, les notions de jour et de nuit n'a visiblement jamais connu les interférences entre les deux. Mais moi, si. Et que vous tentiez de le nier ou non : vous aussi.

Sérieusement, regardez-moi. Allongé dans mon lit, cloué à mon matelas ; frustration d'un énergumène avec du béton dans les veines. Le drap fin, que je trouvais pourtant si soyeux auparavant, est presque rêche contre ma peau en sueur à laquelle il est désagréablement collé. Ma mâchoire serrée me laisse tout aussi inconfortable : l'air peine à traverser mes voies respiratoires, et mes poumons en quête d'oxygène risquent tout aussi bien de s'atrophier. Et mes yeux. Oh, mes yeux ! La taille de la lune ! Mes pupilles sont dilatées – je le sais – dilatées, dilatées, dilatées ! Mais je ne vois rien. Pas étonnant ! Aucun filet de lumière dans cette marée de noirceur qui inonde les environs.

Journée Noire (Concours)Where stories live. Discover now