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C'est à 13h30 que j'arrive à notre café-restaurant habituel. Maxime m'attend sur notre table habituelle également, en terrasse. Ici, on en a dit des choses. Vous savez, je peux voir mon amie une seule fois par semaine, donc forcément, on a des tas de trucs à se raconter. Souvent, elle me raconte ses histoires d'amour, qui me font déprimer. Elle n'arrive jamais à rester plus de deux mois avec quelqu'un, mais au moins, des gens veulent d'elle. En plus elle est bien foutue. Et qui voudrait d'une rousse, femme de ménage, qui vit chez son employeur parce que sa situation n'est pas stable ? PERSONNE. Quand je dis ça aux gens, ils partent en courant.

Je m'assois donc avec mon amie qui aborde un sourire comme jamais elle n'en avait eu.

- Hey ! Qu'est ce qui te fait sourire comme ça ? Je lui demande.

- Julien m'a demandée en mariage. J'ai dit oui ! Elle crie presque ces dernières paroles, ce qui me fait rougir. Le café entier n'est pas obligé de connaître sa vie.

- Mais... Vous êtes ensemble depuis combien de temps ?

- Ça fera trois mois, dans trois semaines !

- Mais Max', tu ne peux pas te marier avec quelqu'un que tu ne connais que depuis deux mois !

- Mais si Valentine ! Je t'assure ! C'est le bon, et nous deux, c'est l'amour fou !

Maxime est un peu le genre de fille à s'emballer très rapidement, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué.

- Je ne suis pas convaincue.

- Oh arrête ! Tu dis ça parce que toi, t'as personne. Merci Max'. Puis je te jure, il est dingue de moi !

Je pense que je vais m'acheter un chat.

Nous continuons à parler de son futur mariage - où je serai témoin - pendant encore une bonne partie de l'après-midi. Max' à le don de me donner le sourire. Il n'y a pas plus optimiste qu'elle, et même si parfois elle me semble un peu perchée, c'est une personne en or, toujours prête à aider, et c'est de loin, la personne la plus hilarante que je connaisse. La meilleure chose entre nous, c'est qu'on a presque rien en commun. Moi j'adore la musique classique : Mozart, Wagner, Berlioz et Beethoven sont mes idols. Max' préfère l'électro. Elle dit que ça donne la pêche, et que si je suis pas aussi dynamique qu'elle, c'est parce que j'écoute de la musique molle. Mais la musique classique a le don de me faire voyager. Surtout le piano ! Il me suffit de fermer les yeux pour fuir la réalité et partir dans un monde idéal. Quand je démarre ma musique, mon corps se charge de frissons et je peux tout ressentir, tout entendre et tout comprendre. On ne sait jamais par quels états d'âme passe un musicien. Mais si on prend le temps de se concentrer et d'écouter, on peut sentir sa colère, sa joie, son désespoir et on peut réellement comprendre ce qu'il ressent. La musique me fait réfléchir. Grâce à elle, j'avance, je prends du recul sur tout ce qui m'entoure, et j'apprendd. J'apprends de quoi est faite notre monde, de quoi est fait l'humain et de quoi est fait notre mentalité. Si la musique n'avait pas existé, je serais sûrement morte à l'heure qu'il est. Je lui dois tout : l'enfant que j'étais qui a surmonté du harcèlement, seule, à cause de sa couleur de cheveux. L'adolescente qui n'avait pas sa place, qui se servait déjà d'elle pour rejoindre un univers où elle l'avait. Et l'adulte d'aujourd'hui qui fait le ménage chez une vieille bique, qui est payé que dalle, et qui pourtant, même avec une heure de rentrée de soirée à minuit, est heureuse. Non mais, minuit, je vous jure ! Je pense que la Ducompte est née vieille. À peine sortie du trou de sa mère elle devait avoir déjà soixante balais. Comment peut-on imposer à quelqu'un de rentrer de soirée à minuit ?

C'est après une journée de shopping que Maxime et moi nous nous quittons. Je rentre donc chez madame Ducompte aux alentours de dix-sept heures. À cette heure là, la vieille boit le thé avec sa voisine : Madame Romance. Malgré son joli nom, Nicole Romance n'a rien de romantique. Elle est vieille et très moche. La première fois que je l'ai vue, j'ai tout de suite compris que madame Ducompte traînait avec elle pour se mettre en valeur. Madame Romance ressemble un peu à une momie, mais en plus vieille. Elle a même des rides sur le menton ! Ses paupières tombent, un peu comme les yeux d'un cocker et l'odeur qui va avec. Le seul bon point, c'est qu'elle est riche. Et trop gentille. La Ducompte passe son temps à se moquer d'elle, mais Nicole semble ne rien voir.

Quand j'arrive, donc, je m'attends à voir Nicole et Géraldine bavarder entre grandes gens dans le salon autour de petit gâteaux, mais je suis surprise de trouver un homme. Sous le lavabo. Et Madame Ducompte derrière lui semble apprécier la vue sur son fessier. Elle semble aussi surprise que moi en me voyant arriver.

- Oh, Valentine ! Où étais-tu ?

- Bonjour madame Ducompte. J'étais sortie, comme tous les mercredi après-midi. Je réponds en haussant les épaules.

- Comme tu n'étais pas là, j'ai été obligée d'appeler un plombier. On a une fuite d'eau. Me dit-elle feignant le reproche.

Sur ces mots, le-dit plombier se releva et se tourna face à moi.

- Il n'y a plus de problème, ne vous inquiétez pas. Ce n'était rien de grave.

Je crois mourir. Je ne savais pas que les homme comme ça existaient vraiment. Je peux presque voir mon reflet dans ses dents. Il a une légère barbe de quelques jours, les cheveux mal coiffés, et son T-shirt moule parfaitement les muscles de son torse. Il passe une main dans ses cheveux en donnant la facture à la maîtresse de maison. Et moi, je reste béate.

- Vous n'allez pas partir comme ça, enfin ! Laissez-moi vous offrir un café ! Madame Ducompte ne perdait pas une seconde pour essayer de draguer plus jeune qu'elle. Pour le coup, le plombier dois facilement avoir trente ans de moins qu'elle.

- Avec plaisir, merci ! J'y crois pas. Comment peut-il tomber dans son piège ?

- Madame se joindra à nous ? Mon cœur saute un battement en entendant ces mots. Moi ?

Café CrèmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant