Non mais je rêve ? Sors d'ici !

Prologue

Éva tourne les clés et claque la porte. Il est dix-sept heures, elle finissait son cours d'art à seize. Elle s'est arrêtée dans le tabac en face de la lagune pour s'y acheter un paquet de cigarettes blondes, a marché sur les pavés des avenues face à la plage. C'est le mois d'octobre et les feuilles orangées tombent sur le bitume de la rue d'en face. 

Elle attrape une tasse de café et le journal départemental, comme le font les adultes accomplis. L'adulte qu'elle doit devenir en moins d'un an. Tout cela n'est que pacotille. Elle ferme donc le journal car les équipes de football et les avis de décès ne l'intéressent pas plus que les magazines de paparazzi people, fraîchement achetés par sa sœur benjamine la veille. Elle boit une gorgée de café, se brûle un peu la lèvre et repose la tasse sur la table. Elle souffle sur une de ses mèches de cheveux châtains qu'elle a relevé en un chignon flou artistique.

Éva feuillette machinalement le reste des journaux posés sur la table. Sa mère, avocate réputée rentrera à dix-neuf heures. Tandis-que son père ne rentrera que le week-end prochain suite à un énième déplacement. Elle grimace un peu en finissant son café en avalant le petit dépôt de sucre resté au fond de la tasse. Elle profite du peu de temps qu'elle passe sans Lola et sa mère, moment de solitude rare dans un foyer ou tout est organisé à l'avance. Elle rumine intérieurement, pensant aux soirées qu'organisera Lola ce mois-ci en l'absence de leurs parents. Même si il est formellement interdit d'inviter qui que se soit, sa sœur fait tout en douce pour que personne ne la remarque et ne dénonce ses actes. Lola appelle souvent sa sœur brouillon, car il en faut toujours un avant l'oeuvre d'art. D'ailleurs, leurs mère n'a jamais démentie la théorie. Éva soupire et se lève pour laver sa tasse jaunie par le café.

  «- Joli cul ! »  

Elle sursaute face à cette voix masculine et familière dans son dos. Elle se tourne lentement avant de le découvrir avachis sur un tabouret, torse nu, lui aussi avec une tasse de café dans les mains. Son visage se fige. Que fait-il ici ? Et encore plus dans cette tenue ?

  «- Baptiste ? »