Chapitre 1

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La pièce se remplissait lentement de clarté et quelques bruits se faisaient déjà entendre à l'extérieur de la maison. La vie qui s'était éteinte pendant la nuit, reprenait doucement son cours aux premiers rayonnements des lanternes de jour qui s'allumaient au début de la matinée. Des pas pressés devant la fenêtre ouverte de ma chambre, plusieurs grognements, des rires et des conversations s'estompant aux rythmes des déplacements se répercutaient contre les murs, c'était comme une mélodie, si semblable et si différente chaque nouveau jour.

Ma couverture, qui, jusqu'alors me couvrait entièrement de sa douce protection, me fut arrachée brusquement, par mon petit monstre de sœur arborant un sourire malicieux. Celui-ci s'effaça néanmoins très vite lorsque mon oreiller rencontra son visage. Elle rit quelques secondes, se moquant de mon comportement puéril et me tendit des vêtements propres arguant qu'il fallait me dépêcher. Je la remerciai d'un baiser sonore sur la joue, pris les affaires qu'elle me passait et filai dans la salle de bain me préparer.

Je ressortis quelques minutes plus tard, ma toilette finie et descendis dans la cuisine pour petit-déjeuner. Ma sœur étais déjà partie vaquer à ses occupations, je l'entendais discuter avec papa quelques pièces plus loin, sans pour autant comprendre la conversation. Arrivé dans la cuisine je vis que ma sœur avait tout prévu et qu'une omelette fumante m'attendait déjà sur la table. C'est dans ces moments là que je réalise que j'ai beaucoup de chance d'avoir une sœur comme elle. J'entrepris donc la dégustation de mon petit déjeuner. Quand j'eus fini, je mis mon assiette dans l'évier et me dirigeai vers le salon afin de rassembler mes affaires pour aller à mon premier jour de travail. J'ai été embauché dans un café à quelques rues de chez nous. « Watson's », c'est comme ça que se nomme l'établissement dans lequel je vais maintenant passer une bonne partie de mes journées.

Au moment de franchir la porte, ma sœur me retint et me rappela d'être prudent sur le chemin du travail. Touché, je l'embrassai, la remerciant pour le petit déjeuner et lui promis que je serai prudent, puis quittai ce petit cocon qu'est notre maison. Cela me faisait bizarre de me dire que dorénavant tous les matins ressembleront à aujourd'hui. Que tous les matins, je devrai me réveiller dès que les lanternes de jour se seront allumées. Que tous les matins, je devrai quitter ma famille et cette maison. Que tous les matins, je devrai me diriger vers ce café et rencontrer ces gens de l'extérieur, ces ignorants et ces menteurs.

Je me retrouvai alors seul, à marcher dans différentes rues pour me rendre au bar. Les gens me fixaient bizarrement, certains me pointaient du doigt en pensant que je ne les remarquais pas. Sûrement se disaient-ils ne m'avoir jamais vu avant. Ici, tout le monde se connaît, alors une nouvelle tête passe difficilement inaperçue.

Depuis la catastrophe et son lot de morts, la population, fortement diminuée, s'était rassemblée ici, sous terre. Je détournai mon regard de tous ces innocents et observai le dehors. Tous ces faux-semblants, ces pâles copies de rues, de lumière, de nature, de vie, ... Comme ce fut le cas un jour, il y a longtemps. Personne ne comprenait, personne ne voulait comprendre. Ils vivaient tous dans l'ombre d'un passé, le présent n'étant qu'un horrible mensonge auquel ils se conformaient tous, ils y croyaient comme des brebis suivant le troupeau qui depuis longtemps ne faisait plus que tourner en rond. Sans savoir que l'on pouvait retrouver notre vie d'avant, là-haut, à la surface.

Mon père à raison, l'humanité est stupide, elle a déjà abandonné l'espoir que tout redevienne comme avant alors qu'en réalité rien n'a jamais changé. C'est notre devoir, à nous, porteurs de vérité, de leurs ouvrir les yeux. Mais comment ?

J'étais tellement pris par mes pensées que je ne m'étais pas rendu compte du chemin que j'avais pris, presque instinctivement. Je levai alors les yeux, qui jusque là étaient fixés sur le bout de mes chaussures, pour apercevoir ce mur, maintenant familier pour tous les habitants. J'observai tous ces noms, ces inconnus, petit à petit oubliés. Ce mur devait servir à la commémoration mais plus personne ne le regardait vraiment, trop habitués à le voir en périphérie des habitations, comme une décoration morbide sur les parois de cette caverne devenue notre refuge. Je restai là une bonne dizaine de minutes, fixant le vide, perdu dans mes souvenirs quand la raison première de ma sortie se rappela à moi. Je regardai l'heure, il ne me restait dorénavant que dix petites minutes pour me rendre à mon travail, à l'autre bout du quartier. Je me dépêchai de faire demi-tour et marchai d'un bon pas vers le bar, espérant arriver malgré tout à l'heure pour mon premier jour. Je ne voulais pas déjà me faire renvoyer, ce travail était vital pour nous, je me devais de le garder le plus longtemps possible.

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