Ce soir, c'est le Grand Soir. Je fête mon anniversaire. Vingt-cinq ans. Un quart de siècle. Qui n'est pas excité à l'idée de fêter son entrée dans sa vingt-cinquième année ? J'ai invité tout le monde, même ceux que je n'aime pas toujours. Je veux que cette fête soit mémorable. Mes parents ont accepté de me laisser la maison. Nous avons fait chauffer la piscine. Je compte bien y plonger une ou deux fois, peu importe que mon maquillage coule et que mes cheveux frisottent. Je pourrais toujours prendre un peu de temps pour retourner m'arranger dans ma chambre.
J'ai commandé le repas chez le traiteur, nous pourrons manger de tout ; des petits fours, des amuses gueules, des gâteaux salés, sucrés, des langoustines et des crevettes, des toasts couverts de foie gras et de caviar, de crème de poisson ou de légume et même de pâté de canard. Le buffet est couvert de délices. Ma mère s'est occupée de décorer le salon. Elle a installé des bougies un peu partout, que nous éteindrons lorsque l'alcool montera aux têtes. Mon père s'est chargé de ranger les objets fragiles et précieux dans le grenier. Nous allons servir du champagne, du vin, de la bière, du whisky, de la vodka, du rhum, du cidre, tout ce qu'ils voudront, nous l'avons. Je suis si heureuse que tout se soit passé comme je le voulais, j'en ai les larmes aux yeux.
Tout le monde a été absolument adorable avec moi. A l'aube de mes vingt-cinq ans, je sens que ma vie est une réussite. Je vais tout faire pour que tout continue ainsi.
On m'a offert un nouveau téléphone portable. Il me permettra de prendre des photographies extraordinaires de cette soirée. J'ai aussi reçu des bijoux, des fleurs, des vêtements et de nouvelles chaussures de sport ravissantes et robustes.
Les premiers invités arriveront dans une petite heure. Juste le temps qu'il me faut pour me maquiller et m'habiller. Je n'arrête pas de sourire, je suis si pleine de gratitude. Je n'ai aucune crainte.
Peut-on imaginer une vie meilleure que la mienne ?
Les catastrophes tombent sur le monde mais j'en suis préservée, pour le moment. Je n'en ressens aucune honte. J'ai de la chance et je l'assume. Anna ne pense pas la même chose. Elle n'a de cesse de me répéter qu'il faut penser aux pauvres, aux plus démunis et à ceux qui sont malheureux. Oui, j'agis souvent pour eux mais je ne m'empêche pas de vivre. Je profiterai de ce qui m'est offert, en le partageant dans la mesure du possible, bien sûr.
Ma culpabilité ne résoudra pas la misère du monde. Elle ne résoudrait rien.
La misère ne cessera de toute façon jamais de ronger les hommes. Je me dois d'être reconnaissante de la vie que je mène, sinon, qui d'autre le fera ?
Alors je ne cesse de me répéter : « Merci. Merci pour tout. »
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Le Murmure de l'eau
RandomAn 2105, partout dans le monde, l'eau manque. Chaque personne reçoit une ration journalière de cinq litres d'eau. La situation environnementale est de plus en plus critique. De nouveaux métiers et de nouvelles responsabilités émergent. Léo, jeune ho...