J'habitais dans une grande maison à l'écart de Londres en 2017 avec ma famille. Une famille ordinaire et pourtant, tout le monde disait qu'elle était maudite car nous habitions au numéro 666. Ce matin-là, la neige avait recouvert de son manteau blanc les maisons alentour. Je me levai et marchai sur un objet mou et froid.
Des frissons me parcoururent le corps. Je m'aperçus qu'il s'agissait seulement d'une de mes poupées en tissus. Je la remis en place dans sa petite maison qui était la réplique exacte de la mienne. Je l'avais reçu pour mes six ans et désormais, c'était ma petite sœur Eléa qui y jouer sans mon autorisation. Mais quelque chose me parut étrange. La figurine de mon petit frère Paul âgé de six mois, était dans la baignoire miniature. J'avais beau répéter cent fois à ma sœur de les replacer correctement, car je détestais que ce soit en désordre, elle ne m'écoutait pas. La journée passa sans que je ne m'en aperçoive.
Mes parents étant encore au travail, ce qui leur prenaient beaucoup de temps car ils étaient avocats, je dus donner le bain à Paul vers six heures. Ayant l'habitude, je le laissais jouer tranquillement dans l'eau. J'étais heureuse de le voir s'éclabousser en rigolant. J'avais pris soin de mettre un niveau d'eau relativement bas afin d'éviter tous risques comme me l'avait appris ma mère. Le téléphone sonna au rez-de-chaussée.
Maman m'avait recommandé de ne jamais le laisser seul et jusque-là j'avais toujours obéi. Mais l'hiver était rude et j'avais peur qu'il tombe malade si je le sortais de la salle de bain avant qu'il soit séché. A contrecœur, je descendis décrocher. L'appel ne dura pas plus d'une minute car la personne s'était trompée de numéro.
Je remontai en courant les escaliers et pénétrai dans la salle de bain. Mon souffle se coupa net en voyant ce qui venait de se produire. Je vis le petit corps potelé inanimé de mon frère gisant, le visage sous l'eau, dans la baignoire.
Mon cœur palpita et mes genoux vacillèrent. Aussitôt, je me précipitai et le saisi dans mes mains. Son visage poupin était désormais blafard tel la petite poupée qui flottait à côté de lui. La panique s'empara de mon âme. Après avoir prévenu mes parents, étant affolée, les évènements s'enchaînaient tellement vite, que je ne comprenais plus rien. La semaine qui suivit son décès, laissa toute la famille sombrer dans un sinistre désespoir. Je culpabilisais de mon inattention et de l'avoir laissé seul tandis que ma mère, rongée par le chagrin, ne sortait plus de la chambre conjugale. Le lendemain matin, je ne trouvais plus la force d'affronter le destin, qui avait déserté mon corps dès le départ de mon frère.
Mais le gargouillement de mon ventre, me fit revenir à la raison. Ayant une faim de loup, je décidais de descendre manger. J'enfilai mes chaussons et vis sous la fenêtre, la petite maison de poupée totalement vide. Je m'approchai et m'aperçut que ce n'était qu'une illusion. Les meubles miniatures étaient toujours présents.
Cependant, la figurine représentant ma mère, se trouvait allongée dans les escaliers de bois. En revanche, celle de mon frère avait disparu. Je ne savais pas comment Eléa faisait pour avoir encore le goût de jouer. Il est vrai qu'à six ans on ne se rend pas forcément compte de tout ce qui nous entoure. A moins qu'elle l'ait tout simplement prise en guise de doudou. Afin d'éviter que cela recommence et qu'elle me les pique toutes, je pris l'initiative de fermer ma porte à clef et de garder le petit morceau de métal sur moi.
Dans l'après-midi, tandis que je lisais un livre, confortablement installée devant la cheminée, une porte s'ouvrit à l'étage suivit d'un grand fracas dans les escaliers. J'entendis le cri aigu de ma sœur et me précipitai à sa rencontre. C'est alors que je vis le corps mince de ma mère étalé de tout son long sur le palier.
Une flaque de sang d'un rouge vif peu à peu s'étendait au niveau de sa tête. Eléa, pétrifiée en haut des escaliers, devint tout pâle et me dévisagea de ses grands yeux verts. J'étais totalement déboussolée lorsque mon père arriva et nous ordonnèrent de retourner dans nos chambres. Je gravissais les marches une par une lorsque mon regard se posa sur un objet qui m'était familier. C'était la petite poupée qui ressemblait trait pour trait à ma mère. Je la saisi et allai jusqu'à ma chambre qui était toujours fermée.
Comment avait-elle pu sortir ? Je me suis dit que peut-être il y avait un double des clefs de ma chambre et que ma sœur l'avait utilisé. Je suis restée le reste de ma soirée enfermée à double tour plongée dans un roman d'aventure. Mon père était passé pour me donner des nouvelles de ma mère dont son était inquiétant. Apparemment, elle était encore à l'hôpital et les médecins lui avait fait comprendre qu'il y avait très peu de chance qu'elle s'en sorte. Je me couchai de bonne heure, épuisée par toutes ses émotions qui défilaient dans mon corps tel un torrent. Mes yeux commençaient à se fermer, lorsque j'entendis un bruit. Ma chambre étant plongée dans l'obscurité, je ne pouvais voir d'où cela provenait. Soudain, des bruit de pas léger mais rapides résonnèrent dans la pièce. Je n'osais plus bouger, pétrifiée par la peur. Mon souffle s'accéléra au même rythme que mon cœur.
Le bruit terrifiant ne dura pas très longtemps. Ce devait sûrement être ma sœur qui allait dormir avec mon père à cause d'un cauchemar comme ça lui arrivait de temps en temps. Mais ce qui me perturbait le plus, c'était que d'habitude elle était silencieuse et que cette fois j'avais vraiment l'impression qu'il y avait quelqu'un dans ma chambre. Peut-être même devant mon lit. Je chassais ces pensées horribles de mon esprit et tentais de me rendormir.
Le sommeil fut difficile à trouver mais au bout d'une bonne heure, j'y parvins enfin. Les rayons du soleil pénétraient dans la petite pièce traversant mes paupières. Je me réveillai en sursaut de ma nuit agitée. Durant mon sommeil, j'avais émis des hypothèses des plus farfelus pour expliquer le son étrange de la veille.
Enfin de compte, je décidais de ne plus y repenser et d'aller de l'avant. Mon ventre me fit comprendre qu'il était temps que je descende prendre mon petit-déjeuner. C'était comme un réflexe de regarder la maison de poupée tous les matins, qui se trouvait en face de mon lit, imposante comme la plupart des petites maisons pour enfant. J'examinais chaque pièce avec rigueur. Ce qui à première vue, ne servait strictement à rien. C'est alors que je m'aperçus que l'une des poupées avait encore bougée.
Et si c'était ma sœur qui était rentrée hier soir dans ma chambre. Cela expliquerait ce j'avais entendu. Mais pour faire quoi ? Pour jouer ? Impossible et puis de toute façon comment aurait-elle fait puisque ma porte était verrouillée.
Les jouets ne peuvent pas se déplacer tout seul. Et en plus ils prédiraient l'avenir. C'était du moins ce que je pensais car en effet, c'était de sacrées coïncidences qui c'étaient présentées jusqu'à maintenant. Notre famille serait-elle vraiment maudite comme la plupart des personnes le prétendaient ? Où serait-ce la maison ?
La poupée de ma mère avait disparu comme celle de Paul tandis qu'une autre était allongée sur le dos dans la cuisine. Ce n'était pas celle de mon père ni de ma sœur, non, cette fois-ci, c'était la mienne. Serait-ce mon tour ?
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Touche pas à mes poupées
Storie breviUne courte nouvelle qui vous donnera des frissons.