Rêves et Désillusions

Deuxième partie.

L'aube se montrait au loin, à peine le temps de me lever et d'éteindre d'un coup de pied ce maigre feu qui quelques instants plus tôt se trouvait être mon meilleur ami que je me remettais en marche. Impossible de savoir quelle avance Oplat avait sur moi, je ne pouvais le suivre que grâce aux profondes empreintes de pas qu'il avait laissé dans la boue derrière lui. Je le traquais depuis plus d'une demi-journée déjà dans ces marais qui semblaient ne pas avoir de fin et le manque de nourriture me tiraillait l'estomac, je ne pouvait pas le traquer indéfiniment, il fallait que je mette vite la main sur ce dément, sinon lui et moi connaîtrions un sort aussi funeste que tragique et je n'avais aucunement l'intention de mourir de faim, perdu au beau milieu de cet endroit puant et dans lequel, la brume empêcherait quiconque de retrouver mon corps.

Je continuais d'avancer dans cette eau stagnante, le pas lourd et fatigué quand mon chemin croisa celui d'une meute de chiens, ils n'avaient pas l'air malades mais ils étaient affamés et c'était suffisant pour qu'ils m'attaquent. Je me tenais face à eux, l'épée a la main, les jambes tremblantes sous le poids de la peur provoquée par leurs regards noirs et leurs grognements. Ils avancèrent d'un pas léger dans ma direction, ils jugeaient la menace que je représentais pour eux tandis que moi, je m'imaginais là déchiqueté par cette meute de chiens. Un premier s'élançât vers moi mais un coup d'épée dans le flanc le projeta plus loin dans un cri de douleur. Le deuxième me sauta dessus, m'attrapant le bras gauche et me faisant tomber au sol, je put néanmoins me débattre pour au final lui porter un coup à l'estomac qui lui fit lâcher prise.Le reste de la meute, deux chiens en moins prit la fuite malgré le fait que cette blessure au bras me désavantageait pour la suite. Il me fallut un moment, mais c'est sous le poids d'une fatigue intense et d'une blessure au préalablement pensée que j'atteignis une petite clairière si paisible perdue au milieu, cela aurait pu être un lieu de paradis pour me reposer, mais la découverte que j'y fis me poussa à reculer de trois pas, avant de régurgiter le peu de contenu de mon estomac sur le sol.

Oplat s'y trouvait, assis sur le sol, adossé sur l'un des quelques rochers présents. Une flaque rouge s'étendait sous lui. Plus je m'approchais, plus je distinguais l'horreur que ce spectacle avait à m'offrir, Oplat est de ces hommes qui combattent la douleur émotionnelle par la douleur physique, son corps autrefois couvert de tatouages pouvait en témoigner, mais cette fois-ci, je ne pu que constater à quel point la démence avait pris possession de son esprit. Son corps, du moins, ce qui en restait était couvert de sang, d'énorme plaies béantes lui couvraient les bras et le ventre, dans un élan de panique, je me suis relevé, et tout en scrutant autour de moi, je me posais la question de quelles créatures pouvait venir ses plaies. Mais il ne me fallut pas longtemps pour trouver la réponse à cette question qui par la suite me semblait si naïve, comme sortie d'un esprit enfantin qui n'avait jamais connu les aboutissants de la guerre. À la vue du vieux couteau rouillé taché de sang dans sa main et de l'écume séchée sur ses lèvres, je compris qu'il s'était infligé lui-même ces entailles dans un élan de chagrin.

Se punissait-il lui-même pour la mort de son jeune frère ou alors la folie l'avait elle poussée à s'infliger de telles mutilations ? Dans tous les cas, son corps couvert de sang m'indiquait que je n'aurais jamais de réponses.

J'agrippais son bras pour tenter vainement de le relever, mais lorsque un lambeau de chair se détacha, je perdis l'équilibre et tombis en arrière, la vue de cet énorme morceaux de chair dans ma main me donna de terribles nausées. Je n'avais pas le choix, je devais abandonner ce qu'il restait du corps de mon ami pour rejoindre la compagnie qui devait probablement me croire mort.