Déteste moi comme je t'aime

4. Les deux heures de retenues

En temps normal, je serais actuellement allongée dans le canapé de mon salon en train de grignoter des M&M's devant mon téléviseur ou encore la tête plongée dans un bon bouquin, le tout en repoussant l'heure à laquelle je commencerais mes devoirs.

En temps réel, je suis actuellement avachie sur l'un des bureau en bois recouvert d'encre et de blanco de la salle 113. Je purge les deux heures de colle que madame Alonsi aka Satan m'a gentiment attribué pour une raison que j'ignore encore.
Une heure s'est déjà écoulée mais il m'en reste encore une autre à supporter... J'ai réalisé mes exercices de maths et j'ai même fait mon devoir d'anglais. Cette seconde heure s'annonce longue et tout sauf productive.

Je pensais que madame Alonsi aurait pris plaisir à venir voir ma personne se plier à sa punition, mais il faut croire que non. Elle a envoyé un surveillant faire le boulot à sa place. Quelque part, c'est pas plus mal, lui au moins il n'examine pas tous les faits et gestes et n'est pas aussi insupportable que ma prof d'espagnol . A vrai dire, je pense que ça l'embête autant qu'à moi d'être ici. Il lisait une revue people en se rongeant les ongles. Immonde. Son T-shirt vert kaki, décoré de la tête de « Luigi » lui allait légèrement petit. Je voyais le tiers de son ventre bedonnant et quand il tournait une page de son magazine il léchait son doigt boudiné avant de se remettre à en ronger l'ongle. Une vision d'horreur, on est d'accord ?

L'idée que chaque mercredi après-midi je passerais deux heures de mon temps ici me donne clairement la gerbe. Faut avouer que j'ai clairement d'autre chose à faire...

A bon ? Comme quoi Aliyah ?

Ma vie n'est pas des plus palpitantes, je l'avoue, mais j'ai tout de même mieux à faire que de contempler mr Luigi pendant deux heures.
Comme par exemple commencer à organiser la soirée d'anniversaire de ma meilleure amie...soirée qui se tiendra chez moi, ce samedi soit dans 2 petits jours. Emna a invité la moitié du lycée en annonçant la soirée de la décennie.
On va célébrer ses 18 ans et bien qu'elle parle à énormément de monde, je reste sa meilleure amie, je me dois de faire bien les choses.

Je décide donc de discrètement extirper mon cellulaire de la poche avant de mon sac à dos pour faire des recherches concernant cette fête, histoire de ne pas gaspiller mon temps à ne rien faire.

Je l'allume et m'aperçoit qu'Emna m'a envoyé près d'une vingtaine de messages.

« Meuf, jcrois que Johan c'est le bon, il est parfait, jsuis amoureuse »

« Znfjzkfjzjd, je sais que ça fait que deux jours qu'on se parle sur insta, mais j'sens grave une connexion entre nous »

« C'est inexplicable.... »

« Oh, il est mignon, il vient de me dire qu'il a envie de moi ❤️ »

« Si c'est pas une preuve d'amour ça ! »

« Il veut qu'on se voit tout à l'heure !!! Je fais quoi meuf ??? »

« ALIYAHHHH ! T'es où ? »

Emna et ses histoires de cœurs. La semaine dernière, elle était folle amoureuse de Sébastien, il y a trois semaines, elle n'avait d'yeux que pour Ilyès, le mois dernier elle était prête à emménager avec Gaël...

Elle s'attache très vite à des garçons qui n'en valent pas forcément la peine mais elle s'en détache généralement aussi vite. Elle alterne entre phase d'euphorie amoureuse et phase de désillusion. C'est le cycle d'Emna, on finit par s'y habituer.

Sa plus longue relation a été de deux semaines il me semble.

Elle a passé une semaine à me dire que Joris était l'homme de sa vie, puis l'autre semaine à me répéter que c'était le pire être que la terre est portée. Elle a un besoin obsessionnel de nouveauté et d'affection, ce qui l'a pousse concrètement à sauter sur un peu tout ce qui bouge.

Je m'apprêtais à répondre aux messages de ma meilleure amie délurée quand Mr Luigi rompu le silence qui régner dans la salle de classe.

« EH ! Ton portable toi ! » lança-t'il d'une voix molle et étrangement sévère.

Je fis mine de le ranger mais il n'était pas de cet avis. Il fronça ses sourcils épais et posa son magasine à l'envers sur le bureau.

« APPORTE MOI LE ICI ! T'es collé ma petite, pas en récré ! »

Moi qui le pensait cool. Je dois vraiment revoir mes jugements...

Je tira ma chaise en bois de la manière la plus lente qui soit avant de me diriger vers le tableau et son bureau qui siégeait devant.
Je m'apprêtai à déposer mon cellulaire sur le meuble recouvert de copies quand quelqu'un toqua à la porte.

Cette dernière s'ouvrit pour laisser place à un être humain de type masculin, un étui à guitare rouge à la main. Il portait un sweat noir recouvert d'une veste en jean un peu trop grande. Son visage était partiellement caché par sa capuche et par les quelques boucles ébènes et rebelles qui s'échappaient du tissu sombre...