1 🌻

1.4K 144 98
                                    

Les talons s'enfonçant dans la terre humide.

Les branches griffant sa peau.

Le vent balayant ses cheveux et détruisant sa coiffure parfaite.

La robe blanche devenant marron à mesure qu'elle s'engouffrait dans la forêt.

La future mariée courrait à en perdre haleine. Elle avait fui la cérémonie et était montée dans un train au hasard, en direction des profondeurs du pays. Même arrivée à la gare, elle avait couru.

Elle savait que peu importe où elle irait, les hommes de main de son futur époux réussiraient à la trouver.

Elle avait été naïve jusqu'à son arrivée dans le train. Elle avait jeté la tiare que son fiancé lui avait offerte par la fenêtre après avoir découvert le traceur derrière une des pierres précieuses en son centre. Les gens l'avaient regardé comme une folle mais elle avait eu raison de le faire.

La liberté avait un prix. Et ce prix, à ce moment précis, était son image. Une image parfaite que tout le monde connaissait et qui s'était brisée en quelques minutes, qui traînait sur le trajet, depuis le train jusqu'à la forêt.

Des gens avaient tenté de la prendre en photo mais la future mariée les avait intimidés rien qu'avec le regard, des flammes de colère dans ses yeux bleus.

Et maintenant, c'était une incertitude qui nageait dans son cœur.

Le grondement dans le ciel, les nuages gris se rassemblant, les premières gouttes la faisant frissonner, les feuilles mortes quittant la terre : autant de signes qui lui conseillaient de vite se trouver un abri.

La future mariée se mit soudain à ralentir le pas en apercevant plus loin, à travers les arbres, de la fumée. Elle poussa un soupir de soulagement avant de se remettre à courir en entendant l'orage à sa suite.

Elle arriva devant la barrière en bois entourant un champ de tournesol, sauta par-dessus et se mit à courir entre les immenses fleurs. Lorsqu'elle en sortit, la pluie s'était déjà bien abattue sur ses épaules dénudées et son mascara n'allait pas tarder à céder.

Elle se planta devant la maison en pierre et toqua frénétiquement à la porte en bois. Il suffit de quelques secondes pour que cette dernière ne s'ouvre sur un homme immense, à la barbe brune taillée, au crâne rasé et dont les muscles lui donnaient un aspect d'athlète.

L'homme ne cacha pas sa surprise, ne s'attendant jamais à recevoir de la visite à l'heure du souper, mais surtout à voir une femme en robe de mariée, trempée et frissonnante devant lui. Une femme de taille moyenne mais avec un corps à faire jalouser l'entièreté de la gent féminine. Des cheveux en bataille mais d'un blond rayonnant et rappelant ses tournesols.

Elle était à son goût mais dégageait une inaccessibilité la rendant encore plus désirable.

Et pendant que l'homme l'observait, elle ne disait mot alors que la pluie continuait à maltraiter sa peau.

« Dépêchez-vous d'entrer. »

La future mariée sursauta à ces mots mais ne se fit pas prier pour entrer dans la demeure du cultivateur de tournesol. Ses talons claquèrent sur le vieux parquet jusqu'au salon où il l'avait conduit.

Il lui fit signe d'attendre près de la cheminée où grillait, dans une ancienne casserole à long manche, une bonne poignée de graine de tournesol. Une délicieuse odeur de cannelle réveilla les sens de la future mariée frottant ses bras.

L'homme arriva avec un énorme plaid et le lui tendit malgré l'hésitation de cette dernière. Elle dévisagea l'homme avant de jeter le plaid sur le fauteuil à côté d'elle, ce qui le surprit.

« Je suis trempée. » dit-elle d'une voix suave qui fit frémir son hôte.

La future mariée fit délicatement glisser sa main, de la naissance de sa poitrine à son collier de fleurs blanches jusqu'à son épaule avant de la passer sur sa bretelle en dentelle.

« Est-ce que vous pouvez m'aider ? » poursuivit-elle en se retournant, offrant son dos presque dénudé à la vue de cet inconnu qui l'accueillait chez lui en toute innocence. La dentelle ornée de boutons à peine recouverts appelait ses mains viriles et, malgré ses doutes, il se rapprocha d'elle. Il déboutonna chaque bouton d'une lenteur extrême avant de s'éloigner, comme brûlé, et d'expirer.

« Merci. »

La future mariée fit tomber ses deux bretelles et commença à retirer sa robe devant son hôte qui, paralysé par l'invraisemblance de la scène, ne put se retourner. Elle arqua un sourcil devant son air ahuri et fit descendre le haut de sa robe jusqu'à sa longue jupe en volants d'organza sali par la boue.

L'homme déglutit devant elle à présent vêtue d'un string rouge et noir en dentelle, sa poitrine simplement cachée par ses bras. Il baissa lentement le regard vers ses jambes et ses yeux s'écarquillèrent à la vue de l'arme attachée à la cuisse de son invitée impromptue.

— Ah ça ? Il faut être protégé en toute circonstance. Ça vous fait peur ?

— Non, réussit-il à articuler en ne lâchant pas l'arme des yeux. Moi aussi j'en ai un.

— Un gros calibre ? demanda-t-elle en détachant la sangle à sa cuisse.

— ...C'est ça. C'est un Smith & Wesson M36, c'est cela ? On le reconnait bien pour son côté « à l'ancienne ». Et les munitions ?

La femme montra la minuscule sacoche accrochée à la sangle avant de la jeter au sol. Elle se rapprocha du fauteuil pour attraper le plaid, dévoilant au passage sa magnifique chute de reins à son hôte qui ne manqua rien du spectacle.

La future mariée s'enroula dans le plaid avant de s'asseoir dans le fauteuil en face de la cheminée et de regarder les graines de tournesol cuire.

— Pierre, dit-il comme s'il venait d'émerger d'un rêve. Je m'appelle Pierre. Je cultive les tournesols que vous avez vu sur votre chemin afin d'en revendre les graines pour la production d'huile. Et vous ? Comment vous appelez-vous ?

— Ava, hésita longuement la femme.

Pierre était loin d'être stupide et avait tout de suite compris que ce n'était pas son vrai prénom mais n'en fit pas la remarque.

— Et que fait une future mariée perdue dans la campagne ?

— Vous avez la télévision ? Internet ?

— C'est à peine si j'ai un bon réseau 3G.

— Alors nous allons dire que je prends un peu de liberté avant d'aller jusqu'à l'autel.

Ava passa sa langue sur ses lèvres après avoir bien insisté sur le mot « liberté » et retourna à sa contemplation de la poêle dans la cheminée. Pierre passa sa main sur son visage puis prit une grande inspiration en allant vers sa cuisine, préparer des boissons qui leur feraient du bien.

Pour elle, quelque chose la réchauffant après la pluie.

Pour lui, quelque chose calmant ses pensées, son désir et la bosse dans son pantalon. 



  🌻🌻🌻 

*référence au film Paul de Greg Mottola

Adieu jours de débaucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant