Struggle, you'll be alright

Warm Welcome

Merde, la bouteille de vin.

-Chloé, pile à l'heure! Entre.

Trop tard. Si seulement j'avais vérifié avant de sonner.

-T'es vraiment magnifique aujourd'hui.

Pas la peine de préciser qu'elle ne le pense pas, ma Tante et l'hypocrisie, c'est une grande histoire d'amour. 

Je fais trois pas dans la maison et le stress commence à monter. Rien qu'à entendre la voix de mon père dans le salon, j'angoisse. Il ne manquera pas de faire un commentaire sur la bouteille de vin, et encore moins sur l'absence de mon frère, qu'il rabaissera au passage. Allez, respire, fais ton plus beau sourire forcé, et tout se passera bien.

Ils sont déjà presque tous là, un vrai tableau de famille: en bout de table, ma grand-mère règle son sonotone, à moitié endormie. Affalé à côté d'elle, mon père, un verre de vin rouge à la main et deux dans le nez, discute politique avec mon cousin Paul, qui lui sort son laïus d'étudiant de sciences-po. Ma cousine et son petit couple parfait montrent des photos de la dernière échographie à ma mère en extase. Elle détourne le regard et me voit, à mon plus grand désespoir.

-T'aurais pu faire un effort vestimentaire, ma chérie. Et évidemment tu n'as rien apporté.

-Salut, maman.

Elle se lève et vient me coller le téléphone de ma cousine sous les yeux.

-Regarde comme elle est mignonne, on dirait qu'elle nous montre du doigt.

-T'es sûre que c'est une fille?

-Evidemment, regarde ses jolis traits. N'est-ce pas, Mathilde?

Ma cousine baisse les yeux, rit doucement, puis marmonne

-Non, c'est un garçon.

-Oui, un adorable petit garçon.

S'ensuit un regard langoureux entre Mathilde et son fiancé parfait.

Martha choisit ce moment pour débarquer de la cuisine.

-A table, les enfants, j'ai hâte de vous faire goûter mes nouvelles créations.

J'espère qu'elle s'est améliorée, j'ai encore des hauts-le-coeur rien qu'en pensant à mon indigestion de la semaine dernière.

-On n'attend pas Lucas?

Aïe. Tous les regards se posent sur moi. Merci, mamie, moi qui croyais que tu t'étais endormie. Martha l'hypocrite en rajoute une couche.

-Oh mon dieu, c'est vrai, c'est bien la première fois qu'il est en retard.

-Il ne viendra pas.

Silence. J'entends mon père marmonner

-C'est pas plus mal.

-David, c'est ton fils, quand même. Qu'est-ce qu'il a? C'est grave?

Elle me lance un regard inquiet, comme si ça l'intéressait.

-Rassure-toi, tante Martha, c'est juste la gastro.

Apparemment, ils ne veulent pas approfondir le sujet. Tant mieux.

-Toi tu n'es pas malade, Chloé, c'est l'essentiel, tu as l'estomac prêt à accueillir mes cocktails.

A voir le liquide verdâtre qu'elle me tend, j'ai pas l'impression qu'il sera meilleur que la dernière fois.

-Dis-moi, Martha, c'est quoi le truc qui flotte, là?

-Du piment. N'hésitez pas à l'avaler, c'est très bon pour la santé.

Mon père ne réfléchit pas, se pince le nez et avale son verre d'un trait. Silence. Il commence à toussoter, rougit, et d'un coup, le piment survole la table et atterrit sur le nouveau chemisier de ma mère.

-Mais c'est pas possible, tu veux nous empoisonner!

-Pas du tout, je les ai faits goûter aux enfants, hier, ils ont adoré.

-Sacré bande d'hypocrites, ces gosses.

Vu le regard noir que vient de lancer Martha, il n'y aura pas de tarte aux pommes au dessert.