Chapitre 18 Baptiste

12 1 0
                                    

Trois jours.

Trois jours que j’essaye d’enlever ce fichu collier sans aucun résultat.

Trois jours que je me réveille en sueur au beau milieu de la nuit.

Trois jours que je subis les caprices de ma malchance.

Je ne sais pas pourquoi, mais depuis dimanche, j’aurai pu dresser la liste de tout ce que j’ai laissé tomber, du nombre de meubles que mon petit orteil a rencontré (j’ai encore mal, rien qu’en l’imaginant) ou encore de mon réveil qui ne sonne pas, de mon ordinateur qui ne fonctionne plus … je vis un enfer. Je suis énervé, agacé et apeuré. Sauf que je n’ai personne sur qui crier, et rien à affronter. Je contemple mes ongles, enfin ce qu’il en reste … le pire, c’est l’angoisse.

J’ai l’impression de disparaître derrière les émotions, de ne plus être moi-même. Je ne touche plus à rien, je mange à peine. Je révise mes cours et je parle avec Estéban par ce que mon téléphone semble épargné par la malédiction qui m’entoure, ma harpe aussi, mais c’est bien tout. Aujourd’hui, Estéban est censé m’accompagner chez le joaillier pour tenter d’enlever le collier … la marque est toujours là. J’ai le pressentiment qu’elle est la source de tous mes malheurs... elle disparaîtra peut-être avec le collier... En parlant du loup, j’entends toquer à ma porte. Pas besoin d’aller ouvrir, il entre et me regarde de haut en bas.

-T’as pas l’air très en forme, hein ?

-Quel observateur …

-T’es peut-être juste malade, t’es allé voir un médecin ?

-A ton avis ? Je suis “en pleine forme”.

-Ah … Bon, heureusement que je suis là alors. Je te protégerai.

Il fait une pose de Power Ranger et affiche un sourire moqueur. J'aurais aimé lui envoyer un objet en pleine figure, mais en ce moment, je vais éviter.

-C’est à cause de toi si je suis bloqué avec un collier autour du cou.

-… C’est un détail. Allez lève-toi, on y va !

-Je te trouve un peu trop enthousiaste...

Je me lève, en traversant la maison j’ai failli tomber dans les escaliers. Estéban m’a retenu par le col, je suis donc sauf, et j’ai mal au cou... On esquive Hana, qui va forcément vouloir nous suivre, et on passe par le portail de la maison.

Le ciel est gris aujourd’hui, et les rues en pente sont presque désertes. J’aperçois la boutique du joaillier, de l’autre côté de la rue. Je m’avance pour traverser, sauf que tout se ralentit brusquement, je ne comprends pas. J’entends un klaxon et des crissements de pneus, alors qu’on me tire une nouvelle fois par le col. Je me retrouve sur le béton froid et sale de la rue, Estéban me regarde, ses yeux noisette à la fois étonnés et apeurés. J’ai les idées en désordre, les yeux dans le vague, j’essaye de me réveiller et de comprendre en vain.

-Tu vas bien ? Qu’est qui t’as pris ???

Je suis encore sous le choc, je vois le conducteur de la voiture qui me regarde, il semble inquiet lui aussi.

-Ou...ouais ... Je crois … Je … Je ne sais pas.

-Pourquoi t’as pas regardé ?

-Je l’ai fait ! Je le fais toujours, tu me connais bien. Je ne l’ai juste … pas vue.

Je suis perdu. Encore sonné, je me revois regarder attentivement des deux côtés de la route, vide. Le conducteur a l’air rassuré, et prend un ton autoritaire.

-Faites plus attention, vous deviez peut-être voir un opticien.

Je ne sais pas quoi répondre, Estéban non plus. Mes mains tremblent, le contact du collier me semble plus froid que jamais, j’ai mal au cœur. Il passe une main rassurante sur mon dos.

-Tu peux te lever ? Je pense qu’on ne devrait pas rester ici trop longtemps.

-Ouais …

Je me lève avec difficulté, Estéban m’attrape le bras.

-Tu restes avec moi.

On traverse, ma main est crispée, je résiste à l’envie de me ronger les ongles. On entre enfin dans la boutique du joaillier, qui nous accueille avec un sourire et un air inquiet. C’est un homme dans la quarantaine, brun, un peu maigre avec une moustache d’un autre temps et des lunettes tordues.

-Vous allez bien ? J’ai vu ce qui viens de se passer, vous n’êtes pas passés loin hein …

-Oui oui, je vais bien, merci.

-Bon, tant mieux. Vous aviez besoin de moi ?

-Oui, un problème de collier. Impossible de l’enlever.

-Laissez-moi voire ça …

Je sors le collier de mon pull. Il l’inspecte avec minutie tandis que je lutte avec l’envie de m’enfuir.

-Il est magnifique … J’ai rarement vu un aussi beau travail.

Estéban profite de l’occasion.

-Vous en aviez déjà vu de similaires ?

-Non, jamais, mais il en existe tellement… Il a l’air plutôt vieux, non ?

-On l’a trouvé dans un grenier...

Il est derrière moi et regarde le fermoir. Ne pas bouger, ne pas bouger … Je serre les poings, je déteste le contact humain, encore plus avec un inconnu.

-Comment l’avez-vous mis ?? Désolé mais il est complètement scellé, je ne vois pas de fermoir.

Je concerte Estéban du regard, c’est de plus en plus étrange. Il a l’air aussi surpris que moi. Enfin, tant pis pour le collier, ma liberté est plus importante.

-Vous pensez pouvoir le couper ?

-Je peux essayer, mais puisqu’il est sur vous je ne vais pas pouvoir sortir les grands moyens … Espérons qu’une pince suffira.

Il retourne dans l’arrière-boutique et en sort quelques secondes après, une pince coupante à la main. Il la place sur le collier, et après plusieurs minutes, déclare forfait. Estéban essaye aussi, sans succès. J’ai un peu de mal à réaliser ce qui m’arrive, cela signifie que je devrai passer le restant de mes jours avec ce collier autour du cou ? Et la marque aussi … et donc toute cette malchance ? Enfin, appelons un chat un chat, j’ai la profonde conviction d’être maudit. Je sais, c’est ridicule. Mais c’est la seule explication. Estéban me regarde, un sourire désolé.

-Je vais demander à Rose et Nathan s’ils n’ont pas vu quelque chose de spécial …

Je sais bien qu’il est, comme moi, certain de leur réponse : non. Mais autant tenter, on ne sait jamais … on n’est jamais sûrs du moins. Je soupire – je soupire bien trop en ce moment.

- Merci de votre aide …

-Je suis désolé de ne pas avoir pu vous aider.

-Tant pis … au revoir.

On passe le pas de la porte, Estéban m’attrape le bras et je m’empêche de soupirer en me rappelant ma malédiction. J’ai passé le reste du trajet agrippé à mon meilleur ami, en priant pour ne pas mourir en route. Une fois arrivés à la maison, Estéban me laisse avec un regard inquiet. Il sait bien que ce n’est pas la peine de me dire de faire attention.

J’entre dans la supergigapièce, l’atmosphère tranquille contraste complétement avec ce que je viens de vivre. La pièce a sa douce chaleur d’après-midi ensoleillé, j’y trouve ma petite sœur et son hamster. Hana me regarde, suspicieuse.

-Bah, où est-ce que t’étais ?

-Quelque chose à faire en ville.

-T’as toujours la poisse ?

-Oui.

Elle fronce les sourcils, réfléchit. Puis elle me fixe, plus sérieuse que jamais.

-Ça doit être à cause des papillons.

-Pardon ?

-Bah tu sais, les papillons !

-… non, pas vraiment.

Je cherche au plus profond de ma mémoire, papillon, papillon …. non, non vraiment, pas de papillon ayant un quelconque lien avec mon état actuel.

-Demande à Rose, c’est elle la maîtresse des papillons.

-La quoi ??

-Mais tu comprends rien !!

-. . .

-Laisse tomber, tu as dû attraper la maladie du cerveau de Tête d’aubergine.

Je ne sais pas vraiment ce qu’elle veut dire par là, mais je sais que je devrais me vexer.

-Puisque je suis gentille, je vais lui demander pour toi. Heureusement que je suis là hein.

-… Merci, j'imagine.

Je trouve qu'elle parle de plus en plus comme Estéban, elle devrait mieux choisir ses modèles. Je ne sais pas pourquoi elle me parle de papillons, peut-être que Rose lui a montré un jeu avec des papillons... Je commence à douter de l'efficacité de son travail.

Je me dirige vers ma harpe, travailler un nouveau morceau me changera peut-être les idées. Je fais attention à tous les objets qui m'entourent que je pourrais potentiellement casser, et m'assois sur ma chaise. Le soleil perce à travers la fenêtre, je n'entends qu'Hana qui joue paisiblement avec son hamster. Je me détends, je peux enfin respirer.

J'ouvre mon cahier de partitions, j'ai pour habitude d'improviser dessus, modifier selon mes envies. Je tourne les pages, j'imagine les notes, je les écoute dans le silence. Je m'arrête sur une ballade irlandaise, elle est calme, douce... apaisante. C'est ce que je cherchais, j'écoute le morceau sur youtube et je l'imagine sur ma harpe. C'est facile à jouer, en me concentrant je pourrais le faire instinctivement dans une heure ou deux... J'apprends toujours mes morceaux par cœur, quand mes mains savent ce qu'elles ont à faire, je peux laisser mon imagination travailler. Je passe finalement le reste de l'après-midi à jouer de la harpe, je me sens protégé et je n'ai pas spécialement envie de partir. Je redécouvre les premiers morceaux que j'ai appris, ceux pleins de souvenirs nostalgiques. Mes premiers duos avec Estéban, la première fois que ma mère m'a félicité, l'arrivée d'Hana... Il y a toute ma vie dans ces musiques, c'est comme ouvrir un album de photo ou un journal intime.
**********************************

Coucou !

Une bonne année et tout nos vœux !
C'est le moment de prendre des bonnes résolutions ! Alors... Enfaite pas d'idées , on est parfaites 😎.
Rose, Baptiste, Esteban et Nathan n'on pas de résolutions non plus pour le moment. 😶
On vous souhaite encore une bonne année 2019 et à la semaine prochaine pour un prochain chapitre !
02/01/2019

 😶
On vous souhaite encore une bonne année 2019 et à la semaine prochaine pour un prochain chapitre ! 
02/01/2019

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Il est beau Esteban, n'est ce pas? 😉

Keep it magicalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant