J'ai rarement connu autre chose que le froid dans ma vie. À cela, vous me répondrez sûrement : « Normal, tu vis dans une région glaciaire », et vous auriez raison. J'aime bien me plaindre, c'est tout.
Bon alors, par où commencer ? Ah oui ! Je vis dans le premier village à la frontière du territoire de mon peuple, les khalijars. Nous vivons tout au Nord-Ouest, où il fait tellement froid que nous nous abritons dans des igloos. Je sais qu'il existe d'autres peuples à l'Est, bien au chaud. Cependant, personne n'y est jamais allé, je pense qu'il y a plus de mythes que de réalité dans ce qu'on nous raconte sur eux, comme, par exemple, leur maîtrise légendaire du feu.
Je partage mon logis avec mon frère. Du haut de ses dix-sept ans, il est l'aîné de deux ans. C'est peu, et pourtant il me dépasse de trois têtes. Difficile de ne pas se sentir humilié ! effe
Notre igloo est composé de trois espaces – un salon et deux chambres – qui contiennent de nombreux meubles hérités de nos parents. Je sais de mon frère que ma mère est morte le jour de ma naissance, et que mon père a disparu peu de temps après, nous laissant seuls. Je n'ai pas d'informations supplémentaires : mon frère est très discret à ce sujet, et je n'ai pas envie de connaître les détails de toutes manières. Pourquoi s'encombrer d'une tristesse inutile ?
Pour nous nourrir, nous devons aller chasser en territoire inconnu comme de grands aventuriers... Vous m'avez cru ? La vérité c'est que j'ai installé des pièges à petits animaux à une centaine de mètres de la maison, dans la forêt qui borde le village. Quand je les lève, je trouve des lièvres, parfois même des hermines ou des renards. Aujourd'hui cependant, on va devoir aller chercher la pitance chez les chefs. Ils ont mis en place un système de rationnement de nourriture : chaque famille a reçu une écorce de sapin sur laquelle est gravée la ration à laquelle elle a droit chaque jour. Pour aller la récupérer, la famille doit amener son écorce dans une petite hutte à côté de celle des dirigeants, où sont conservés les réserves.
Pourquoi tout ce bazar ? Un voyageur a dit avoir vu les lokires, un peuple que mes ancêtres ont battu il y a bien longtemps, se préparer à nous attaquer. Les adultes ont installé beaucoup de défenses autour du village pour s'en protéger, et ont décrété que nous n'avons plus le droit de sortir du bourg. Personnellement, je pense que c'est juste des rumeurs, il n'y a pas de quoi faire toute cette mascarade juste pour ça. Il n'y a pas de raison de s'inquiéter.
D'ailleurs, c'est l'heure de réveiller mon frérot. Je saute de mon lit en bois sculpté (la classe, hein ?) que j'ai hérité de mon père, l'ancien meilleur ébéniste du village d'après mon frère, et sort de ma chambre en saisissant ma veste en cuir doublée de fourrure au passage.
Je l'enfile en marchant vers sa chambre, séparée de la mienne par une sorte de rideau en peau de bête. En entrant, l'odeur pestilentielle qui caractérise les lieux m'agresse les narines.
La chambre de mon frère est jonchée de déchets. Comment ça, c'est trop court comme description ? Je peux vous assurer que vous ne voulez pas en savoir plus.
Mon frère dort encore, dans une position peu élégante. Je m'assois doucement sur le lit, et l'observe un instant. Les années n'ont pas effacé le côté enfantin de son visage, mais ce que j'aime le plus voir, c'est le paisible de son expression, qui prouve que je rempli bien mon travail de frère. Son teint pourrait presque être qualifié de basané par rapport au mien, c'est dire à quel point je suis pâle.
« Allez, Alrick, debout... je murmure à son oreille en soulevant une mèche blonde qui la recouvrait.
– Encore cinq minutes... supplie mon frère en s'agrippant à son oreiller.
– Non ! Tu as déjà oublié qu'on va devoir aller à l'autre bout du village pour manger ?
Pas de réaction.
– Et en plus, j'ai la dalle ! j'insiste en le secouant vigoureusement.
– T'as plus cinq ans, tu peux... »
Un bruit inattendu coupe la discussion : quelqu'un fait sonner la petite cloche installée devant notre entrée. Mon frère – égal à lui-même – hausse un sourcil puis rabat sa double couverture jusqu'à son nez. Moi, au contraire, je m'inquiète, c'est toujours à moi de tout gérer...
Prudemment, je m'approche du vestibule, puis me penche vers l'entrée de l'igloo, petite et basse. J'entends un cri suraigu. Surpris, j'en pousse un à mon tour.
Une fois la stupeur passée, je découvre une gamine que je n'avais jamais vue auparavant, alors que tout le monde connaît tout le monde dans le village. En l'observant plus attentivement, je remarque que ses vêtements sont en partie brûlés et qu'elle saigne du front. De plus, elle a les yeux très bridés, ce qui veut dire qu'elle est... une lokire !
L'image de la couverture vient de
https://twitter.com/01310806
Il fait un boulot génial !
YOU ARE READING
Promesse
Short Story"J'ai rarement connu autre chose que le froid dans ma vie. À cela, vous me répondrez sûrement : « Normal, tu vis dans une région glaciaire », et vous auriez raison. J'aime bien me plaindre, c'est tout." Au cœur des montagnes, dans un petit village...