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Oikawa Tooru avait-il connu des échecs lors de ses vingt-huit premières années ? C'était la question que tout le monde se posait dans son entourage, le voyant évoluer avec aise au sein de la société, se distinguant à la fois par son charme et son talent. Aux yeux de la majorité, probablement apparaissait-il comme un modèle de réussite ; et cela justifiait parfaitement la question initiale.

Iwaizumi Hajime, son meilleur ami depuis l'enfance, aurait sûrement répondu à cette question en premier, citant dans un mélange confus le râteau que la manageuse de Karasuno lui avait mis, toutes les opportunités ratées pour aller aux Nationales, les innombrables fois où il s'était fait plaquer, ce devoir de maths en seconde où il avait eu zéro.

Oikawa, lui, aurait davantage pris le temps de la réflexion pour écarter toutes les futilités, et répondu avec un léger sourire feint qu'une seule idée lui venait en tête à cet instant : celle de n'avoir jamais pu devenir un joueur de volley-ball professionnel.

Il avait été conscient de cette fatalité assez tôt –les premières entorses de négligence, la première blessure sérieuse au lycée, au genou, et puis la pression sociale de ses parents et de ses professeurs qui trouvaient aussi risqué qu'inconscient le fait de s'engager dans un parcours sportif avec des résultats scolaires aussi prometteurs.

Il avait donc pensé, dans un premier temps, à allier les deux et à s'orienter vers la médecine du sport ; puis, après quelques hésitations, il avait fini par se dire que ça pourrait lui être douloureux. Et, certain de se composer rapidement une clientèle grâce à son professionnalisme autant que par ses manières avenantes et son beau visage, il avait choisi de devenir généraliste.

Il n'avait jamais vraiment arrêté le volley, même pendant ses études, et son niveau demeurait tout à fait honorable par ailleurs, entretenu par des entraînements réguliers dans un club local. Au moment où il fêtait l'ouverture de son propre cabinet avec sa famille et ses amis, la seule chose qu'auraient pu déplorer ses parents était de ne toujours pas avoir de belle-fille ou beau-fils.

Mais c'était bien la dernière chose à laquelle pensait Oikawa, tout heureux de son investissement –son cabinet était idéalement situé, en plein centre de Tokyo- et décidé à fidéliser une clientèle aussi vite que possible. Il savait qu'il plaisait, et il aimait plaire ; pour l'instant, il n'avait besoin de rien de sérieux.

Les premiers mois s'écoulèrent tranquillement. Il devint de plus en plus assuré dans ses diagnostics, commença à recevoir quelques patients récurrents, et dont il devenait même le médecin référent. Il en était particulièrement fier, et alors que les semaines passaient et que santé et argent croissaient ensemble, il se disait que c'était définitivement une belle vie.

Enfin, jusqu'au jour où Kageyama Tobio surgit dans sa salle d'attente.

Liquide ou Carte BleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant