4. Le doute

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A/N: J'ai un peu l'impression que ce chapitre est bof bof. Dites moi ce que vous en pensez! Bonne lecture à tous les gibus et montres à gousset

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Voûté sur une ottomane, Thorn avait les yeux fermés, son front se plissant comme sous d’atroces douleurs. Ses cheveux s’étaient libérés de leur brillantine pour s’étaler autour de sa tête tel un voile d’or blanc; un contraste éclatait entre le noir chatoyant de l’ottomane et de l’uniforme, et de cette pâle étendue si soyeuse et attirante. Avec sa posture crispée et ses couleurs puissantes, il rappelait à Archibald ces illustrations d’anges des religions de l’Ancien Monde.

Un ange si beau. Si tentant. Il manqua en lâcher la carafe et les verres.

Les ayant déposés avec un tintement sur une table basse, un chef-d’œuvre d’orfèvrerie par sa coupe simple et sa couleur unie de cendre, il versa l’eau miroitante, créant un mandala de reflets sur la surface cirée de la table.

Thorn le fixait de nouveau à travers ses mèches blondes, se redressant vaguement. Ces iris d’argent semblaient transpercer Archibald de part en part. Que n’aurait-il donné pour s’approcher encore plus de ce regard hypnotisant, pour y plonger le sien, pour oser faire plus que de verser bêtement de l’eau dans des verres? Maintenant qu’il était si proche de cet homme à qui il vouait un si grand amour, il osait à peine respirer.

Ce fut l’intendant qui brisa le songe, prenant un des verres entre ses longs doigts. Des doigts de musicien, pensait souvent Archibald; Thorn jouait-il peut-être du piano? Du violon? De la flûte traversière? Il n’éprouvait aucun mal à imaginer le taciturne fonctionnaire libérer ses états d’esprits à travers cet art envoûtant. Lui-même en était incapable – il savait séduire et c’était tout.

L’homme en face de lui était impossible à séduire. Il pouvait être tenté, provoqué, attiré, oui, mais jamais conquis – à croire que Thorn vivait dans un monde parallèle dominé par une seule chose: la raison.

« Merci, » articula-t-il de sa voix grave, toujours aussi faible qu’au milieu du bal. Archibald osa enfin lever les yeux de cette main tendue autour d’un verre. La silhouette courbée de son interlocuteur lui sauta aux yeux, lui amenant, telle le jet d’une fontaine, une myriade d’émotions. Elle coupait le souffle par son éclat brut. Longue, anguleuse, pâle sous les vêtements sombres, en un mot indomptable. Comment avait-il pu penser un instant qu’il arriverait jamais à la cheville de Thorn, qu’il arriverait jamais à se faire aimer de lui?

C’était une route imprenable qu’il avait empruntée. Tant pis ! Autant se damner jusqu’au bout.

« Il n’y a pas de quoi, » murmura-t-il en retour, priant pour que la chaleur de ses joues ne soit pas visible dans le peu de lumière diffuse. Mais que faire? Que faire? Que faire de cette cadence cardiaque si incontrôlable, de ces sentiments si insensés, de cet objectif si inatteignable?

La pièce se volatilisa et il ne vit plus que le visage indéchiffrable de Thorn, que ce nez qui reniflait le verre, que ces yeux s’assombrissant légèrement. Archibald était pris dans une de ces équations si complexes; il savait qu’une seule parole, qu’un seul geste de travers le priverait à jamais de toute chance de réussite.

Non pas qu’il en avait jamais eue. Mais il était doux de rêver.

« L’eau n’est pas empoisonnée. Je ne tiens pas à vous voir mourir. » Un pas dans la bonne direction? Ou dans la mauvaise? Zut, zut, zut. Il aurait dû y penser plus tôt. Calculer ses répliques. Mesurer ses réactions. Mais calcul et mesure ne faisaient pas partie de ses atouts.

Une larme sous les lustres Où les histoires vivent. Découvrez maintenant