Noyade

650 49 2
                                    

À mon retour chez mes parents, je suis déterminée à faire enfin face à ce passé que j'évitais. Je décide d'aller dans ma chambre. Je prends des cartons de déménagement, et je ramasse la montagne de dessins. La réponse était là depuis le début, à portée de main, mais je n'étais pas prête à la voir. Une multitude de croquis de Sebastian Jones jonchent cette chambre. Sous tous les angles, toutes les poses et certaines des plus dévêtues. J'ai passé en revue toute son anatomie. Plus aucun doute, j'étais sacrément mordue de mon professeur, et il est bien à l'origine de ma dépression. Je ne me rappelle pas encore les raisons exactes. Mais mon cœur me dit, qu'il a été incorrect avec moi. Une fois que j'ai empilé toutes les pages dans les cartons, je tombe sur une feuille d'un autre genre. Une lettre de rupture ! Alors là, ça devient beaucoup plus clair. Il m'a jeté, et maintenant il voudrait me reprendre. Et ensuite quoi ? Il va me jeter à nouveau ? Non, ça jamais de la vie ! J'ai suffisamment souffert, il faut que je pense à moi et que je me préserve.

Mes parents sont ravis que je fasse le ménage dans ma chambre et dans mon passé. J'ai les idées plus au clair, pour autant mon cœur souffre à nouveau. La semaine qui suit, je ne vais pas à la fac. Je reste chez moi, et je crée des tableaux. J'utilise cette base de dessins pour faire des collages sur des toiles peintes, avec des slogans style :

L'amour fait souffrir.

Les promesses sont faites pour être brisées.

Hommes et femmes sont destinés à se déchirer.

Une des plus grandes douleurs est d'aimer une personne qu'on ne peut pas avoir.

Il est terrible de devoir oublier, lorsqu'on veut aimer.

Vouloir aimer sans risquer de souffrir est une contradiction, et vouloir vivre sans aimer, c'est se tuer...

Ouais je sais, c'est pas très joyeux. Une partie de mon passé m'est désormais accessible. Je me souviens de Mystery Spell, de son université, de ses étudiants, de ses professeurs. Je me souviens de Sebastian Jones, de notre rencontre, de mon coup de foudre pour lui, de la façon dont je l'ai aimé, et de cette souffrance dévorante ensuite. Je ne me souviens pas clairement de la rupture, ni des circonstances, juste de la douleur. Je me souviens aussi de la France, et de Mathis: Mathilde de Naïs n'est pas ma cousine éloignée, mais plutôt mon arrière-grand-mère. Je sais, ça parait fou.

Maintenant que j'ai retrouvé la mémoire, et que je suis présente à la villa tous les jours, Mathis en profite pour reprendre son enseignement. Elle m'aide à passer ce cap, à présent. C'est mon soutien, mon pilier. Elle n'aime pas beaucoup Jones, elle a vu les ravages qu'il a fait sur moi. Tous les jours, nous faisons notre yoga, Mathis, Carole et moi. Mathis m'enseigne l'énergétique. Ressentir les énergies, et les focaliser. Douglas, lui, ne se sent plus chez lui depuis que j'y reste pour peindre, et que Mathis parle ésotérisme à tout bout de champ. Nous décidons, donc de trouver un appartement en ville pour Mathis et Lucie, ma grand-mère. Je partage mon temps entre la villa et l'appartement de mes aïeules. J'aime taquiner Mathis et l'appeler grand mamy, ce qu'elle n'apprécie pas.

Cela fait deux semaines que j'ai retrouvé une partie de ma mémoire. Le temps est aujourd'hui à la tempête, un ouragan est annoncé dans quelques jours. La mer est grosse. Je suis venue à Pensacola pour mon initiation avec Mathis. Je passe le temps de midi sur la plage. J'observe Léo et Sarah qui sont là aussi. Ils se tiennent la main et se bécotent. Ils ont l'air amoureux. Je repense à ce que j'ai fait ce matin en arrivant. Je suis allée à la fac, pour épingler la lettre de rupture de Jones sur la porte de son bureau. Retour à l'envoyeur !
Actuellement je me sens esseulée. Bien sûr, il y a Mathis, mais ce n'est pas pareil. Comme je sèche les cours de la fac, je ne vois plus Sarah, ni Sacha. Je ne vois plus mes camarades et professeurs non plus. Léo n'est pas venu me voir depuis longtemps, et je n'ose pas aller le déranger. Le soir, il n'y a plus de confident sur la plage, avec qui tout partager. Niet, nada. Désormais, il ne vient plus me trouver. C'est sans doute mieux ainsi. Alors je lui ai accroché la lettre sur la porte de son bureau, pour lui signifier que je sais ! Je sais comment notre histoire a fini.

Sebastian Jones Tome 2: A la reconquête d'Ellen "TERMINE"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant