chapitre 2

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Le dos calé contre un mur dont les parois sont gorgées d'humidité, le cul a même le sol dégueulasse et poisseux, j'essaye de capter les discussions entre Dejan et ses potes. La dose était forte. J'ai du mal à me concentrer sur leur débat et à réussir à y prendre part.

Dejan disperse un sachet de poudre blanche sur la planche en bois surélevée qui fait office de table basse. Il sépare la poudre en de fines lignes à l'aide de sa carte bancaire, sort un billet de vingt balles et le roule avant de me le tendre.

Tiens, ma belle.

Je me crispe. Il sait à quel point ce surnom peut me faire vriller. Comment ce simple mot me rend ingérable, et surtout de quelle manière éteindre ce feu qu'il déclenche en moi.

Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça !

Il s'approche, cherchant à m'intimider, me faisant presque frissonner. C'est un jeu entre nous, on se défie, il m'intimide, et je cède si j'en ai envie. Il ne s'est jamais montré violent, mais j'ai déjà eu à faire à ses crises de colère que je ne savais gérer que d'une seule manière : le sexe.

Je t'appelle comme je veux ! me dit-il tout en soudant ses lèvres rappeuses contre les miennes.

Je me laisse aller à la rudesse de son baiser, je tente de garder le contrôle, de prendre le dessus. À la manière dont ses lèvres s'étirent contre ma bouche, je sais qu'il est satisfait de lui.

Une fois ravi de m'avoir cloué le caquet, il me tend une nouvelle fois le billet. Je le saisis et le mets dans ma narine, puis hésite un instant. C'est toujours pareil, à chaque rail, je réfléchis. Si la drogue est mal dosée, je pourrais très bien partir dans un bad trip et ne pas en ressortir indemne. Je sais que Dejan en a de la bonne, mais il suffit d'une fois pour que tout dérape. Je me lance. De toute manière, même si j'y reste je ne manquerais à personne, bien au contraire.

J'inspire, renifle, bascule la tête en arrière, me masse le nez et frotte mes dents avec le reste de poudre qui recouvre mes doigts. Je me sens toute puissante, la tête comme dans un nuage de coton, détendue. Très rapidement, tout va bien mieux.

C'est ça, ma belle ! m'encourage Dejan.

Je me retourne, plisse les yeux. Je le discerne à travers mes paupières lourdes et reprends :

Ne m'appelle pas comme ça !

Je m'irrite, et je vois qu'il tente de contenir sa colère également.

J'arrêterai, si tu m'expliques pourquoi.

« Tu es belle, Anabelle, mais tu ne le seras jamais autant que ta sœur... » Ces paroles, je les ai entendues, retenues. Elles sont gravées en moi, comme marquées au fer blanc sur ma peau.

Nébuleuse, perdue entre le passé et la réalité, j'hésite. Je le regarde, il en fait de même. Aucun de nous ne baisse les yeux. Le premier qui cédera aura perdu.

Avant même que je ne comprenne, mes lèvres se meuvent et les mots sortent de ma bouche sans que je puisse les retenir. Je parle de ce soir-là. Celui où tout a basculé. De la trahison qui en a découlé ce sentiment de haine.

Je me sens tellement mal, j'ai envie de chialer.

Dejan se lève. Il s'approche de moi, me tend une bouteille. Je bois à-même le goulot, laissant l'alcool se perdre dans mes veines. Le mélange est détonnant, et je ne tarde pas à sombrer...

Effet MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant