Petrograd

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14 mars 1917; Petrograd

- Tu penses qu'elle est morte papa ?

- Non regarde, elle respire. Elle doit simplement être endormie.

- Mais pourquoi elle dort par terre ?

Ma tête me fait mal et mes jambes sont gelées. J’essaie d'ouvrir les yeux mais tout est trouble et dédoublé. Allongée sur le sol, je sens le contacte de la neige sur ma peau et cela me procure des frissons dans tout le corps. J’entends ces voix qui semble si proche mais qui ne font qu’accentuer ma migraine. J’essaie de bouger au maximum mon corps prisonnier du froid. Un orteil, le pied et enfin ma jambe gauche, c’est bon je la sens !
Alors que j'essaie tant bien que mal de me relever, je sens les bras d'un homme me soulever et m’asseoir sur ce qui semble être une racine d'arbre. Je lève la tête vers celui-ci, environ une quarantaine d'années , portant une barbe de trois jours et au visage plutôt accueillant. Vêtu d’un long manteau noir et de grosse bottes blanche fourrées, il enfonce sa chapka sur sa tête tout en me demandant ce que je fais par un froid pareil dans cette tenue. Il me parle avec un fort accent dont il m'est impossible d'en définir la provenance exacte, et malgré mes efforts pour me concentrer j’ai du mal à comprendre ce qu’il dit.

Autour de nous, la forêt, sans rien d’autre aux alentours mis à part un long chemin forestier que je devine à travers la neige désormais reine. Je me demande bien comment j'ai pu me retrouver ici, au milieu de nulle part mais surtout depuis combien de temps. Si ce monsieur et son fils n'étaient pas passés par là, je ne sais pas qui m'aurait trouvé et ce que je serais devenue avec un froid pareil.

- Je sais pas ce que vous faites dehors par un froid pareil, mais c’est de la folie Mam’zelle, me dit-il.

Son fils, un petit garçon de huit ans, blond aux yeux bleus m'apporte une couverture chaude que je m'empresse d'enrouler autour de moi. Intimidé, celui-ci m'observe en se cachant derrière son père. Il voit aussi bien que moi que je suis complètement perdu et incapable de bouger tellement le froid s’empare de moi.

- Venez avec moi Mam’zelle, vous allez monter avec nous et je vais vous emmener jusqu’à la ville, me dit l'homme.

Je le vois tourner la tête en direction d'une sorte de carriole en bois d'époque tirée par un beau cheval gris. À l'arrière de celle-ci, plusieurs rangées bien alignées de bois  prêt à être livré, et devant la carriole une longue assise également en bois.

- Où suis-je ? Murmurais-je d'une petite voix,

- Nous sommes à trois kilomètres de Petrograd Mam’zelle. Me répond t-il avec un grand sourire.

Petrograd ? L’ancien Saint Petersbourg ? Comment ça à seulement trois kilomètres ? J'étais à Londres il y a quelques heures à peine. J'ai l'impression de devenir folle, tout se mélange dans ma tête et je ne comprends plus rien. Moi qui ai l'habitude de contrôler chacun de mes mouvements et faits et gestes, à cet instant même, je ne contrôle plus rien. Et comme lors de mon réveil à l'hôpital, c'est le trou noir, plus aucun souvenir. Le dernier, remonte au starbucks où j'ai commandé un chocolat et où j'ai poursuivi l'histoire de Sophie dans mon carnet.

- Petrograd ? En Russie ? Réussis-je à articuler.

- Bien sûr en Russie, où voulez-vous que nous soyons, et surtout par un froid pareil ? Répondit-il.

" Ce n'est qu'un rêve Cécilia, c'est seulement un rêve. Tu vas te réveiller, tu seras à la maison, dans ton lit et ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir, " me répète la petite voix dans ma tête. 

Je prends la main que me tend mon interlocuteur et m'y agrippe comme je peux pour marcher jusqu'à la carriole située à trois cent mètres. Pourtant malgré tout je peine à avancer avec mes jambes gelées. Il me monte sur l’assise et je me cale contre le dossier avec son fils. Lui, monte à mes côtés et avec les rênes, fait signe au cheval de partir.

N'oublie pas d'où tu viens Où les histoires vivent. Découvrez maintenant