Samedi soir J-1

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Point de vue de Baekhyun

Kris est seulement à quelques mètres de moi mais il me semble pourtant bien trop loin. J'ai l'impression que le gouffre qui nous a séparé est désormais si large que, peu importe mes efforts pour le  combler, je ne peux pas l'atteindre. Une fois de plus, je ne suis qu'un simple spectateur impuissant. La pièce est encore plongée dans la pénombre mais malgré l'obscurité je distingue très nettement les larmes qui roulent le long de son visage te s'échouent sur le sol. L'écho de leur chute sur le parquet trouble le silence assourdissant qui fait trembler la pièce et je me sens suffoquer. Les murs paraissent se resserrer autour de moi, jusqu'à m'emprisonner dans un carcan de photos d'enfance qui m'étouffent sous toute leur joie et alors, l'air n'atteint plus mes poumons. Je toussote, pantelle et m'étouffe mais je ne meurs pas. Il faut croire que dieu n'a pas eu son quota de souffrance et qu'il souhaite me faire agoniser lentement et douloureusement. Il a peut-être envie que mon cœur saigne une dernière fois avant de presser le bouton "off" pour de bon. Chanyeol semble inquiet. Sa main a quitté la mienne qui le martyrisait, et frotte maintenant des cercles rassurants sur mon dos. Mes yeux humides fixent le sol tandis que je contemple la vacuité de mon destin. Tout ce que je vois n'est que tristesse et terreur. Je croyais qu'après la mort, on devenait heureux. Il faut croire que non.

Papa et maman ont quitté la pièce depuis quelques secondes déjà mais Kris n'a pas bougé. Après de longues minutes de contemplation, je relève finalement mes yeux hésitants vers lui et déglutit avec peine en découvrant son état préoccupant. Aucun son quitte ses lèvres, mais les larmes, elles, ne cessent de dévaler ses joues qu'il essuie de ses manches trempées. Ses points disparaissent dans son sweat large et l'aperçu que j'ai de ses mains m'inquiète. Ses poings sont serrés si fort que ses phalanges en deviennent blanches et déjà je discerne les croissants de lune qu'ont laissé ses ongles dans sa peau. Le regard de Chanyeol transperce ma peau tandis qu'il essuie les larmes qui gonflent mes yeux. Je n'avais même pas réalisé que je pleurais, récemment la douleur est devenue si banale que j'en oubliais presque qu'elle existe. J'ai mal à chaque secondes qui égrènent et pourtant je suis persuadé que Kris souffre encore plus que moi et alors, je m'en veux de ne rien lui avoir dit. Au moment où nos regards se croisent, il détourne le sien et m'évite comme si j'avais déjà disparu et alors toute ma retenue s'effondre et les cris que je retenais, franchissent mes lèvres en une tumulte de sanglots.

Chanyeol presse mon épaule avec affection en embrasse mon crâne mais ses baisers sont comme la glace: ils endorment d'abord la douleur puis au bout d'un moment finissent par fondre. Alors même s'ils me calme pour quelques instants, je continue d'avoir mal. 

- Je vais y aller, murmure-t-il au creux de mon oreille avant de quitter mon lit.

Je ne l'autorise pas à faire un pas que déjà ses doigts sont consignés entre les miens, l'empêchant d'avancer. Je ne veux pas qu'il me laisse seul, j'ai peur d'affronter la réalité. Je ne suis pas assez fort et face à Kris, je le suis encore moins. Ma vulnérabilité est exposée aux yeux de tous et malgré les couches de vêtements que j'empile pour me donner du courage, Kris parvient à lire en moi comme dans un livre ouvert. Après tout, c'est mon meilleur ami... Cette pensée me décroche un pâle sourire et si je n'avais pas été à l'article de la mort, Kris m'aurait certainement giflé pour mon insolence. 

- Reste... s'il te plaît.

Ma voix sort comme le son d'un accordéon rouillé et je crois voir une étincelle déçue illuminer le regard de Kris alors que Chanyeol se rassoit sur le matelas. Ma main lâche la sienne et se repose sur ma cuisse tremblante. Je fais ce que je peux pour empêcher les spasmes qui m'agitent de contrôler mes mouvements, mais en vain. Kris s'avance dans ma chambre et tout comme moi, Chanyeol retient son souffle. J'ai l'impression d'assister à un tour de magie où le magicien glisse une épée dans sa gorge mais cette fois, c'est moi le magicien et ce n'est pas mes mains qui font coulisser l'arme tranchante au fond de ma gorge mais bien celles de Kris qui s'amuse à promener les dents aiguisés du couteau le long de ma jugulaire. La porte claque dans son dos et je sursaute en entendant le cliquetis sourd. Son visage perd alors toute la tristesse qui le déformait et il se dirige vers mon bureau, une feuille en main.

My last week {Chanbaek} [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant