Arc 1 - Chapitre 1

8 2 6
                                    

La résidence Icaron... Je me souviens encore clairement de la première fois où je l'ai vue.

Étrangement, tous les souvenirs d'avant notre installation sont flous, comme un film trop coloré, que j'aurais vu il y a très longtemps et à moitié oublié. Tous ceux qui datent d'Après, au contraire, sont très, presque trop, nets, des photos vives d'un passé que je voudrais pouvoir effacer.

Et, au tout début, il y a notre arrivée. Nous approchions du village dans la petite Citroën bleue que ma mère avait louée. Elle conduisait, mon frère et moi nous étions installés à l'arrière, par habitude plus que par obligation. En effet, sans mon père, le siège à l'avant était libre, et je me souviens avoir eu peur, pendant tout le trajet, que ce vide déséquilibre la voiture et la fasse se retourner dans les virages.
Je m'étais penché en avant, pour voir au plus vite notre nouveau lieu d'habitation. Ce n'était pas vraiment parce que j'étais impatient, quoique le voyage en voiture, long de 3h, ait commencé à me fatiguer, mais plutôt pour voir au plus tôt le trou dans lequel nous allions nous enterrer.

Mon exacte pensée à ce moment-là avait été "ce stupide trou dans lequel on va devoir s'enterrer". L'ironie de la chose pourrait presque me faire rire, si j'avais encore le cœur à rire.

La résidence Icaron, donc. Une petite partie de moi aimerait croire que je savais dès le début que cette histoire allait mal se terminer, que j'ai eu un mauvais pressentiment dès que j'ai vu la maison mais la vérité, c'est que je suis comme tout le monde : je fais des choix sans vraiment savoir quelles conséquences ils auront plus tard.
Tout ce que j'ai vu en me penchant en avant, c'est une grande bâtisse de deux étages, perchée sur une colline qui dominait le village tout entier. Mon frère a enlevé son casque pour voir ce que je regardais et s'est empressé de m'informer que le manoir avait sans aucun doute était construit dans le style néo-gothique, et que le toit de tuiles avait probablement était refait deux à trois ans auparavant.
Je pense qu'il a continué à me raconter des choses après, mais j'ai cessé de l'écouter. Quand il est lancé, mon frère peut continuer à parler pendant des heures, et je cesse en général d'être attentif au bout de cinq minutes - non pas que ce qu'il raconte n'est pas intéressant, mais c'est en général à partir de ce moment que ça commence à devenir trop technique pour moi.

Ma mère a garé la voiture au pied de la colline, dans un espace prévu à cet effet, et nous sommes sortis, levant automatiquement tous les trois les yeux vers le haut de la colline et notre nouvelle maison.
Ma mère ouvrit ensuite le coffre, pour que nous puissions récupérer nos bagages. La voiture n'était pas très grande, nous avions donc voyagé léger et un camion devait passer plus tard pour nous amener le reste de nos affaires.
Mon frère et moi avions chacun un sac à dos rempli avec le strict minimum et ma mère avait imité notre exemple dans une petite valise.
Sans perdre un instant, mon frère attrapa son sac et la valise avant de se diriger vers le chemin qui montait le long de la colline, ce qui lui valu un sourire fatigué de la part de ma mère, et un froncement de sourcils de la mienne. Quitte à jouer le gentleman, il aurait au moins pu prendre aussi mon sac. Sans en faire la remarque à voix haute - de la même manière que je l'écoutais rarement, il faisait très peu attention à moi - je récupèrai mon sac et le suivis, laissant ma mère fermer la voiture et monter derrière nous.

La pente était raide - au moins 15%, se sentit obligé de dire mon frère - et nous arrivâmes tous essoufflés en haut.
Pour mon plus grand plaisir - que je pris tout de même soin de dissimuler - mon frère soufflait comme un bœuf, et je me retins, avec difficulté, de lui dire qu'effectivement, ce n'était pas en passant la journée devant son ordinateur à apprendre les caractéristiques de l'architecture néo-gothique qu'il allait pouvoir se muscler un peu. J'ai toujours été plus sportif que mon frère, et c'est l'une des rares choses où je suis meilleur que lui, alors j'en profite sans doute plus que nécessaire.

IcaronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant