3. La curiosité

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La nuit avait été courte pour Kidou.

Suite à sa petite sortie nocturne, le sportif avait peiné à trouver le sommeil, l'expression de douleur du délinquant frigorifié imprimé sur ses rétines, lui interdisant tout repos. Dès l'instant où il avait vu ce gars encapuchonné bousculer son père, et lui subtiliser son portefeuille dont il se vantait si souvent, il s'était sentit attiré... irrésistiblement.

Ses jambes s'étaient comme mises en marche de leur propre gré, instinctivement, se lançant à la poursuite du mystérieux voleur, animé non pas par l'envie de récupérer le bien de son aïeul mais par une curiosité si puissante, qu'elle avait obsédé momentanément toutes ses pensées.

L'héritier passa ses mains sur ses yeux fatigués, essayant en même temps de clarifier les souvenirs de la veille avant de se diriger vers la salle de bain spacieuse qui lui était réservé, espérant qu'une douche froide l'aiderait à émerger. Quelques minutes plus tard, son uniforme enfilé et un bon petit-déjeuner avalé, le châtain sortit du manoir, une légère odeur de shampoing enveloppant ses dreads encore humides.

Il se mit en route d'un pas tranquille vers son lycée, tandis que ses pensées du réveil refaisait surface, Fudou et son regard froid s'imposant dans son esprit. Durant son trajet, le jeune homme se mit à lister tout ce qu'il avait pu retenir de ce garçon intriguant, de son simple nom jusqu'aux détails de ses habits tels que le trou situé sur la cuisse droite de son pantalon élimé, probablement causé par une sorte de barbelé.

Kidou Yuuto, depuis son plus jeune âge, avait toujours procédé ainsi lorsqu'il se retrouvait en face d'une personne ou d'une situation particulière, sa capacité d'analyse en ayant toujours émerveillé plus d'un. Rien ne pouvait lui échappait lorsqu'il observait, son entourage lui attribuant alors petit à petit le surnom de Sherlock Holmes suite à ses différentes constatations.

Au moment où il franchit le portail du bâtiment portant fièrement l'enseigne " Teikoku Kookoo ", il en était à détailler les chaussures du brun lorsque quelqu'un vint interrompre ses pensées d'enquêteur, un garçon aux cheveux teints en bleus clairs se précipitant vers lui pour le saluer.

" Hey ! Comment tu vas ? Hâte des vacances toi aussi ? Plus que sept heures de cours et on est libre !"

Face à l'enthousiasme évident de son ami, l'héritier ne put s'empêcher de lâcher un rire amusé, tout en continuant :

" - Sept heures de cours dont trois d'évaluations, j'espère que tu ne l'as pas oublié !

- Oui, oui... Tu peux pas lâcher les notes trois minutes Kidou-san ? Tu me plombes le moral là ! "

Le rire du châtain s'amplifia à la vue de la mine boudeuse du bleu, avant de se faire interrompre par la sonnerie émanant du bâtiment principal, les deux garçons se dirigeant alors vers leur salle de cours. Tandis qu'ils gravissaient les marches menant à la dites salle, Sakuma (car s'était son nom ) exposait avec une joie non-dissimulée ce qu'il avait prévu de faire durant les vacances, le problèmes des contrôles s'étant bien vite volatilisé de son esprit. Ainsi, il allait partir voir sa famille dans le Kansai à Osaka durant la première semaine afin de fêter noël en famille, avant d'aller à Takashima pour skier avec un de leurs amis communs.

En écoutant le programme de Sakuma, Yuuto ne put s'empêcher de ressentir de l'amertume en le comparant à ce que risquait de ressembler ses vacances.

Son père faisait le plus gros de son chiffre d'affaire lors des fêtes de fin d'années, il partait donc pour le siège de la Kidou Corporation qui se trouvait à Tokyo durant la totalité des deux semaines afin de, selon ses mots, " optimiser la vente et l'exportation de ses produits ".

Le châtain allait donc, une fois de plus, passer le réveillon en compagnie de ses livres d'histoire et de mathématiques, à réviser pour les examens à venir. Cette situation ne l'avait jamais vraiment dérangé outre mesure, le contact social n'ayant jamais été son fort et la solitude lui étant toujours apparue comme confortable.

Cependant, à force, cette solitude lui pesait légèrement. Oh ! Vraiment pas de beaucoup ! C'est seulement que même si il était d'un tempérament solitaire, l'idée de passer noël à une table vide l'attristait vaguement.

Pour au moins une fois dans sa petite vie d'adolescent de seize ans, il aurait voulu voir ce que ça donnait de passer noël avec quelqu'un.

Yuuto lâcha un soupir avant de chasser ses idées noires, il n'allait pas se mettre à s'apitoyer sur son sort ! Il avait une journée à passer et des évaluations à réussir, c'était tout sauf le moment pour jouer au mélodrame ! Les idées remises en place, il s'attaqua aux équations inscrites sur la feuille que son professeur avait distribuer à son entrée en classe, tandis que dans un coin de son esprit persistait cette mélancolie sourde qui l'habitait.

Mélancolie qui persista durant toutes les heures de cours de sa longue journée, n'épargnant même pas les quelques moments de pause qui lui était accordé. Mélancolie qui semblait grossir de plus en plus à chaque minute, et qui lui écrasait la poitrine sans ménagement.

Même après qu'il ait eut réussi tous ses contrôles (bien trop facile ), après avoir dit au revoir à ses amis en leur souhaitant de bonnes fêtes (amusez vous bien), et être enfin en vacances !

Elle persistait.

Inlassablement, elle lui compressait le coeur sans ménagement, l'étouffant un peu plus à chaque pas qu'il faisait en direction de sa maison. Vide. Lorsqu'il arriva finalement à destination, sa gorge lui piquait affreusement, sa respiration se faisant de plus en plus difficiles, et ses yeux brûlaient de verser un torrent de larmes.

Il monta quatre à quatre les escaliers jusqu'à sa chambre, bien trop grande pour lui. Il ferma sa porte à clé, s'affaissa contre elle et enfoui sa tête dans ses mains frêles, laissant couler silencieusement ce qui l'étouffai depuis une dizaine d'heures.

Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, ce sentiment d'écrasement, de solitude si intense qu'elle en devenait insupportable.

En fait, cela lui arrivait tellement souvent qu'il pensait naïvement s'y être finalement habitué ! Mais à chaque nouvelle fois, le broiement dans son coeur se faisait plus fort, plus violent, et il finissait immanquablement recroquevillé contre la large porte en bois, ses bras serré autour de lui comme des chaînes, pleurant sans un bruit la douleur qui l'étreignait.

Et, comme toujours, il finit par se relever, essuyant d'un geste las l'eau qui ruisselait sur ses joues rouges, reprenant le cour de sa journée, comme si rien ne s'était passé.

Prévoir le travail qu'il allait faire durant les prochains jours, demander à ce qu'on lui serve son dîner dans sa chambre pour qu'il puisse réviser en mangeant, appeler son père pour savoir comment se passe la tournée, se coucher, dormir, et recommencer.

Seulement, ce jour là, quelqu'un avait décidé de briser les habitudes du jeune héritier, et il lui suffit pour ça, de trois simples petits coups contre la vitre de la pièce. A leur son, Kidou se retourna pour se retrouver nez à nez avec la dernière personne qu'il aurait imaginer accrocher aux rebords de sa fenêtre.

« Fudou ? »

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La fuiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant