PARTIE II

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Mon cœur abonde en rosières

Pétales amarante en lisière

Sépales écarlates au rain

Ma poitrine sonne l'airain

De mes amours d'aniline

De mes passions sibyllines

Étoiles des opalins monceaux

Nébuleuses de ponceaux

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Les prairies d'ivoire autour d'elle scintillent de mille roses vermeilles. Auprès de ses chimères océanes, de ses rêveries perlées de flots et de flammes, la neige fleurit, le manteau blanc se bigarre d'alpages merveilleux. Les pâquis éclatants se jonchent de tous les coloris d'andrinople. À l'ombrée d'un sapin, l'albâtre immaculé d'un coteau se noie sous les pétales des ponceaux. Au lointain, Sélène contemple une onde écarlate arpenter les champs de nacre et chamarrer l'horizon des vagues de son cœur. La poudreuse étincelle aux abords de sa peau nacarat, aussi somptueuse et colorée que sa chair embrasée. Des lambeaux d'opale émaillent encore l'éden assombri, ils vibrionnent au gré de la bise et du paysage montueux, puis dépérissent à la caresse du sol en fleurs. Telles des perles d'ambroisie, les flocons nivéaux tarissent dans l'écrin lumineux. Les berlingots de glace et d'argent s'abandonnent aux bourgeons séléniens, leur éclat se dérobe sous les plantes amarante et abreuve la neige et ses brillances diluviennes. L'étoffe du ciel, les mirages d'une ange, et l'ivraie se colore d'amour et de lumière. La pelouse ne s'était jamais parée d'autant de nuages.

Et l'écume étoilée d'alizarine éblouit vallons et monceaux, irradie les arabesques, embrasse avidement l'ampleur de ce tableau pastoral. L'univers alangui, son monde épris, se cramoisit de sa poitrine aux neiges corallines. Des empyrées de brume aux volutes émeraude, des nuits sibyllines aux forêts sans abîme, la nature épanche à l'infini les sentiments diluviens, les avalanches enivrées de son cœur empourpré. La pellicule albuginée brasille au gré de ses rêves, l'aquilon danse à l'entour des flocons, ses rafales endiablées scintillent et se cadencent à la cantilène éperdue, aux harmonies de la demoiselle au vent. Et si l'ouragan s'envole, si l'éphémère de ses parfums s'évanouit dans la nuit, les lueurs impétueuses, elles, les chimères angéliques, ailes, couvrent les champs de phanies lunaires. Sélène enceint l'éther et les terres ennuagées de songes. Nébuleuse au mitan de ses galaxies, plume ambrée de ses envolées, elle brille comme un astre au milieu de ses planètes. Et quand la jeune femme admire les étoiles, ce sont des constellations entières qui pétillent dans son cœur. Ses larmes sont des embruns de l'espace, des galernes aux flots de météores, aux fleurs d'aurore, des typhons sidéraux sur le val endormi. Mais tout s'agite et s'inonde encore, les causses alanguissent d'univers, la neige embrasse la nuit, et Sélène est aveuglée dans un océan de brumes.

Le borée fulmine et foudroie les sauges et les ramages, il assaillit le flanc des montagnes avant que l'intensité de ses bourrasques ne vienne tourmenter le prasin des baliveaux. La bise impétueuse écume les frondaisons de ciel et de lumière, et les feuilles d'empyrée se bigarrent aux éclats des rosées d'albâtre. De la neige étiolée, deux olympes en larmes, l'éden à la nuit d'aniline et l'âme embrumée de Sélène. Et bientôt, la forêt toute entière serait un écueil de lune et d'ouragans. L'orme et l'ajonc vacillent à nouveau sous le vent qui frémit, et l'opalin des limbes se jaspent aux luisances de béryl. La futaie luxuriante oscille entre les clairières de nuées, de nombreuses lambourdes se délabrent et se déchirent, les charmilles éreintées chavirent et se laissent bercer par les soupirs angéliques. Les pinèdes aux souches éternelles, les branches autrefois d'azur échancrées ne sont plus que poussières au lin d'ivoire affublant de vastes empyrées. Épines et ronceraies sillonnent l'éther et s'évertuent à saillir des courants célestes. Les végétaux paraissent onduler au fil des bancs de nuages, mais les rameaux ne sont qu'épaves, les lambeaux ne sont que saulées fugaces, aussitôt emportées par la mer de limbes. Le firmament s'épanche à travers les fourrés, les nuées s'écoulent et déferlent, le silence élyséen ne cesse de bruire, de se fracasser à fleur d'univers. L'empyrée ne se voile plus d'argent, mais se ride aux oriflammes nacrées, tel un abîme en furie. Et la fougue ennuagée, le ressac effréné des vagues astrales se pare aux couleurs des éléments. Les congères englacées, les velours et les véhémences de l'aquilon, le jade opalescent des arbrisseaux, l'éther en ivraie, les terres enivrées, les songes exaltés de Sélène dont l'écrin brille et bigarre tant, tout se mélange dans un ciel autant vidé qu'empli de lui-même. La mer des anges étincelle et ses rayons resplendissent, miscellanées de perles et de plumes.

Des frondaisons bigarrées de platine aux ramures embrunies, la nature aux ornements de minuit se confond à l'encre du ciel. L'horizon se nimbe, les formes ne font que s'ébaucher, les coloris s'esquissent et disparaissent au cœur des nuages. Les fourrés de linéaments, les taillis chamarrés s'évanouissent et les chimères sont les bourgeons d'un nouveau bosquet. Les charmilles abondantes, fussent-elles d'absinthe ou de pensées, de flocons de lumière ou de fleurs enténébrées, s'adonnent à l'éternel. La coupole angélique, toile éclairée de limbes et de vents, s'étoile au borée des rameaux. Et comme deux clairières à cette forêt d'aniline, deux flambeaux sous le voile opalin, les yeux de Sélène illuminent autant qu'ils s'éperdent à l'orée de l'éden. Les beaux éclats de lavande s'assoupissent, l'empyrée de ses pupilles échinées se couvre et s'ennuage. Ses prunelles aux lueurs d'orchidée s'évaporent, et l'abîme fleurie de son âme épanche au soir embrumé ses regards éblouis, les soupiraux de son cœur auréolés d'univers. Les champs se voûtent comme les prunelles s'envoûtent, et les festons d'ébène, les volutes emplies de mauve et de nuit pavoisent amas et nébuleuses. Sélène a le ciel dans ses yeux.                                                                                                       

L'écrin du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant