Troisième partie

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Il disparut ensuite dans la foule matinale. Le vieil homme ne comprenait pas les paroles de l'enfant et décida de ne plus y penser. Il regarda un moment sa boutique illuminée par les rayons du soleil. Ses masques brillaient, se reflétant les uns dans les autres. Il en caressa un du bout des doigts, effleurant ses plumes colorées et lâcha un soupire de satisfaction. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait épuisé. Le vieil homme prit le masque de l'enfant dans ses mains et, au contact de la chaleur de sa peau, l'objet disparut dans une poussière brillante.

« Le bonheur est éphémère mais les souvenirs eux, sont impérissables. » dit-il dans un murmure.

Il se dirigea ensuite d'un pas chancelant vers son atelier et s'affala sur la chaise en bois, aussi fatiguée que lui. Il tendit le bras et attrapa un bout de gâteau qui avait servi à fabriquer le masque du petit garçon et se demanda comment un simple morceau de nourriture pouvait transporter les gens dans leurs souvenirs... Mais il y a bien longtemps qu'il avait cessé de chercher une réponse à cette question, il en avait conclu que cette magie était un don du Ciel...

Le vieillard posa son regard sur ses mains et en constata l'état déplorable. Il ne les ménageait pas, tout comme le reste de son corps. L'artisan était passionné par son métier, il dormait donc rarement et mangeait peu. Il n'osait pas voir son visage, s'imaginant avec des yeux rouges, fatigués, les traits tirés, des cernes marqués... Néanmoins, il se risqua un regard. Il ouvrit le tiroir à côté de lui et en sortit un joli miroir ayant appartenu à sa défunte épouse. Il le porta à hauteur de son visage et manqua de laisser tomber l'objet en voyant son reflet. Il ne savait pas comment, mais il portait un masque d'une beauté sans pareil ! Quand l'avait-il fait ? L'artisan ne pouvait détacher son regard de son œuvre. Celle-ci était cernée de diamants brillants, de grosses perles flamboyantes et des couleurs plus lumineuses les unes que les autres la traversaient de part et d'autre. Il n'avait jamais vu pareille merveille. Le vieil homme osa enfin effleurer du bout des doigts son œuvre, sentant la délicatesse de son travail. Malgré de grosses mains abîmées, il était capable de créer des objets d'une infime beauté. Il reposa enfin le miroir et se décida à enlever ce masque, avide de l'admirer entre ses mains. Il ferma les yeux et le retira délicatement. Quand il ouvrit ses paupières, il ne comprit pas où il se trouvait. Il balaya du regard les murs abîmés qui l'entouraient. Il faisait sombre, les fenêtres étaient obstruées par des planches vermoulues. Le parquet sous ses pieds était parsemé de trous et de fissures, de la poussière flottait dans l'air, le faisant éternuer. Cet endroit semblait complètement abandonné, bien différent de son atelier chaleureux et coloré. Mille et une questions se bousculaient dans sa tête. Il entendait à nouveau les mots du petit garçon. Quand il posa les yeux sur son masque, il remarqua une jolie écriture dorée gravée au dos. Il approcha l'objet de son visage, plissa les yeux et put lire :

« Rendre les gens heureux. »

FIN.

Le modeleur de rêves [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant