Les Ombres

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Kita Bissainthe, Haïti, fée protectrice télépathe.
Will Johnson, États Unis, métamorphe protecteur télépathe.
Sarnek Nielsen, Groenland, sorcier chasseur téléporte.
Cassydy Brown, États Unis, vampire vengeure téléporte.
Oriana Martínez, Paraguay, caméléon protectrice télékinésiste.
Elmood Hoàng, Laos, loup-garou vengeur télékinésiste.
Le nouveau :
Kol Kadyrgaliev, Kazakhstan, voyageur chasseur télékinésiste.

Et puis, il y avait moi, Justine Depame, France, spirite vengeure télépathe.

Nous étions huit, ni plus ni moins. Sans nous connaître, nous partagions le même destin, celui d'une troublante différence. En ces temps difficiles pour moi, ils me semblaient très proches. Nous formions comme une communauté, partageant ainsi l'âpreté de nos nouvelles conditions.

J'étais certaine qu'eux aussi se sentaient pour la plupart dépassés par les événements, et également touchés par un pesant sentiment de solitude. Au fond de moi, je savais qu'un jour nous allions être amenés à nous rencontrer. C'était une certitude.

Je suivis Lena jusqu'au fond du parc, nous voulions tester mes nouvelles compétences. Cela avait beau faire deux semaines que j'étais spirite, je n'avais toujours aucune idée de ce que je pouvais en faire. Néanmoins j'avais remarqué que mes autres pouvoirs s'étaient grandement développés, bien que je n'aie plus osé passer en vengeure depuis le dernier incident en date.

Lena et moi étant toutes deux télépathes, nous préférions le mode de conversation inaudible qui nous offrait une certaine intimité vis à vis du reste de notre famille. C'était depuis devenu une habitude entre nous.

" Bon, Justine, concentre-toi. Respire ! Tu sais que tu dois pouvoir faire un truc avec l'esprit, alors visualise ça."

J'écoutai attentivement ses conseils avant de les mettre en pratique. Je fermai les yeux, cherchant à établir un contact, déclencher une réaction quelconque. Après quelques minutes, n'y tenant plus, je rouvris les yeux pour informer ma soeur de ma nouvelle déconvenue.

Cependant, je sentis que quelque chose clochait. Le temps était sombre, la température dégringolait, je voyais Lena s'agiter, frissonner, en jetant des regards perdus autour d'elle. Alarmée, je cherchais également une cause à cette vague de froid et de pénombre. Il ne pouvait s'agir d'un simple phénomène météorologique.

L'herbe auparavant couverte de rosée gela, le vent se tut, les branches des arbres cessèrent de s'agiter et un calme surnaturel s'abattit sur nous. Désormais frigorifiées, nous nous jetâmes des regards éperdus. D'un même mouvement, nous nous dirigeâmes alors vers la sortie du parc, que l'on ne pouvait qu'apercevoir.

Soudain, je m'arrêtai, j'avais cru déceler un mouvement étrange. Me sentant fébrile et angoissée, mes tremblements intempestifs ne m'étonnèrent pas. C'est alors qu'une masse sombre se détacha du couvert des arbres, flottant au-dessus du sol et avançant lentement vers moi.

J'entendis un martèlement de pas à ma droite, m'informant ainsi de la fuite de ma soeur. Sans en comprendre la raison, je ne pus l'imiter. Mes pieds étaient comme collés à la terre, mes jambes lourdes comme des pierres. L'ombre, quant à elle, continua sur sa lancée, se rapprochant toujours plus de ma position. Le silence écrasant embourbait mes pensées alors qu'un signal d'alarme semblait retentir dans mes oreilles.

D'un coup, la panique reprit le dessus en un flot d'adrénaline. Sans même m'en rendre compte, je passai en mode vengeure, retrouvant ainsi toutes mes capacités mentales. Curieusement, je ne fus pas assaillie par des hurlements, tout mon être se centra sur une pulsion intense. En un éclair, je bondis sur l'ombre et sombrai à l'intérieur de son être.

Je fus immédiatement plongée dans une obscurité totale et dans le froid le plus glacial qu'il m'ait été donné de ressentir. Mon corps agissait de lui-même, je me sentais comme une observatrice, extérieure à toute forme physique. Comme dans un songe, je ressentis un flot de noirceur quitter le monstre et se déverser comme un flot furieux dans mes veines.

Je repris brutalement conscience, allongée dans l'herbe rase. Il ne restait plus rien de l'ombre, pourtant, je la percevais en moi, cette marée noire qui prenait l'ascendant sur mon sang. C'est alors que je la sentis me brûler, elle était partout, elle était moi. Je hurlais à m'en arracher la gorge, persuadée que mon heure était venue. La souffrance indicible qui me torturait ne pouvait, dans mon esprit meurtri et ravagé, que m'amener à la mort la plus douloureuse qui soit.

Dans un dernier sursaut de vie, je tentais d'expulser cette monstruosité de mon corps. Ébahie, j'assistai alors à un spectacle d'un envoûtement pervers : je vis mes veines gonflées et noirâtres se convulser et précipiter ce qui restait de l'ombre jusqu'à mes mains. Un rayon sombre et immatériel en jaillit et se dispersa dans la nature environnante.

Avant de sombrer dans l'inconscience, mon esprit s'éclaira : je venais sans aucun doute d'expérimenter mon héritage de spirite.

Le portail des ombres [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant