Je ne sentirais plus

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La lumière verte m'aveugle.
Je sens mon corps s'écrouler contre la terre froide de la forêt interdite.
Et puis d'un coup une autre clarté m’aveugle à nouveau.
Une clarté blanche.
Je ne pensais pas que les Enfers seraient blancs.
Je me relève, je ne sais même pas de quelle façon.
Je suis censé être mort, tué par Voldemort.
Je ne suis pas censé me trouver là, debout dans cet endroit qui ressemble étrangement à la gare de King's Cross.
Sous un banc, je vois quelque chose qui remue.
Je m'approche prudemment.
Cette chose est couverte de sang, je ne sais pas ce que c'est mais ça me fait peur.
La chose sur le sol agonise, j'entends ses gémissements plaintifs.  
Je ne sais pas quoi faire.
Je devrais être mort, je ne comprends pas.
- Tu ne peux pas l'aider.
Je sursaute.
Dumbledore se tient devant moi.
N'est-il pas censé être mort lui aussi ?
Cet homme revenu d'entre les morts, m'explique tout ce qu'il n'a pas eu le courage de m'expliquer de son vivant.
Je devais mourir.
Alors comment se fait-il que je ne sois pas mort ?
J'étais un Horcruxe.
Soudain je prends conscience de quelque chose : je déteste cet homme.
Je pensais qu'il m'aidait, qu'il me guidait, mais tout ce à quoi il me préparait c'était au sacrifice.
Je me suis sacrifié, moi qui ai déjà perdu tellement.
Je me suis sacrifié alors que le dernier Horcruxe, le serpent, vit toujours.
Cet homme ne souhaitait que ma mort.
Ma mort pour le plus grand bien.
Que vaut la perte d'un homme face au sauvetage de milliers d'autres ?
Et bien moi je le sais.
Cela vaut une vie brisée en trop.
Une vie de mensonges, une vie de tristesse entrecoupée de petites joies.
Une vie gâchée.
Mais qu'est ce que le monde en a à faire d'une vie gâchée ?
Tout le monde s'en fiche, tout le monde pense que j'aime ce que je fais.
Tout le monde pense que pour moi, Harry Potter, L’élu, Le Survivant, il est facile de se sacrifier.
Après tout, ne suis-je pas élever pour cela ?
Tout le monde pense que je n'ai plus rien à perdre parce que j'ai déjà tellement perdu.
Mais j'ai à perdre : Ron, Hermione, Ginny, Les Weasley, Neville, Luna…
J'ai dit adieu à tous ces êtres qui me sont chers.
Je leur ai dit adieu pour toujours.
Alors quand Dumbledore m'annonce que je peut choisir entre rester ici et revenir dans le monde des vivants, mon choix est vite fait.
Je n'ai plus rien à donner, je suis tellement brisé que je sais que je ne  m'en remettrais jamais.
Je serais l'ombre de tous les autres, celui qui gâchera l'ambiance aux fêtes, celui qui restera cloîtré dans ses souvenirs et dans son passé.
Celui qui ne sera plus rien.
C'est fini pour moi et je le sais.
Et ça ne me fais absolument rien.  
Je suis préparé pour ça non ?
Dumbledore s'efface et moi je reste la.
Mon choix est fait et je ne reviendrais pas dessus.
D'un coup mes sensations me quittent et mon coeur cesse de soulever ma cage thoracique.
Je suis vraiment mort cette fois.
Et ça fait tellement de bien de ne plus rien sentir.
Je ne sentirais pas les cheveux de Narcissa Malfoy sur mon visage, pas plus que je n'entendrai son murmure lorsqu’elle me demandera si son fils est encore vivant.
Je n’entendrai pas les hurlements de joie des Mangemorts lorsqu’elle annoncera ma mort d'une voix blanche.
Je n’entendrai pas les pleurs et les reniflements d’Hagrid lorsqu’il me prendra dans ses bras de géants.
Je ne sentirais pas mon corps se balancer au rythme de ses pas pendant que nous regagnerons le château.
Je n’entendrai pas les mensonges de Voldemort en annonçant ma mort aux survivants de la bataille.
Je n’entendrai pas les hurlements de Ginny ni les pleurs de Ron et Hermione.
Je n’entendrai pas Lucius Malfoy appeler son fils.
Je ne verrais pas Draco s'avancer et subir l'étreinte de Voldemort.
Je n’entendrai pas le discours si courageux et si poignant de Neville.
Je n’entendrai pas le bruit de son corps qui tombe après que Voldemort ait levé la baguette de Sureau.
Je n’entendrai pas les hurlements et les pleurs à la vue du corps sans vie de Neville. Je ne verrai rien, je n’entendrai rien et je ne sentirais plus rien.
Je suis mort.
Et j'ai choisi ma mort.
J'ai donné tellement de choses et on m'a tout pris.
Je suis désolé mais il en ai ainsi.
Harry Potter est parti, il n'est pas revenu de son entrevue avec Dumbledore.

a death can hide another (recueil d'OS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant