Épanouissement : Fleur

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“Dans un grain de sable voir un monde
Dans chaque fleur des champs le Paradis.”

William Blake

Ce qu'il aimait dans les oranges, c'est celles qui sauraient le surprendre avec un goût de pamplemousse rose. Elle était rousse et pulpeuse de la vie. Il faudrait que la rouille de la terre battue en mousse se retrouve dans les enfers... C'est dans cette boue rouillée qu'elle avait fait plaisirs et excès, dans ce terreau cruel qu'on l'avait plantée d'épuisement. Mais dans ses bras à lui, dans ces jours où ils se confondaient d'amour, la rouille s'évaporait comme un nuage du désert et il lui découvrait un corps de pétales blancs, jamais fanés. Drôles de pétales de fleur d'orangers, d'où émanait le fantôme brun du passé, laissant traîner ce goût amer... Mais quelle saveur chanceuse, ce flou mystérieux qui l'enrobait familièrement!

Ils avaient joint les deux murs qui les séparaient, la cour n'était plus qu'un ravin rempli d'amour à une nouvelle adresse: le nid effervescent des vautours.

Elle lui avait appris à voler, comme une évidence, suivant la libération au delà des limites du temps et de l'esprit, et la manière dont les plaisirs commencent à venir, invisibles aux yeux du monde.

De l'autre côté, un miroir les espionnait, miroir de la solitude, de l'envie, de la jalousie... Un passé tardif de lassitude. Comment avait - il pu entrevoir dans ses draps la nuit tant de scènes, sans jamais les jouer? Miroir de l'attente jadis, du désir grandissant. Il ne supportait plus le reflet de ce fantôme aux longs épis d'ors dedans. Quand il dormait, et quand il ne dormait pas. Elle avait des lacs dans les yeux. Il était parti. Et puis il était revenu. Et elle était encore là. Et sur le piano de la solitude il commençait à croire qu'elle l'attendait.
Elle l'entendait jouer.
Il était temps de jouer ses rêves.

AléaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant