Trop Béta pour être aimé

6- La lune est reine

Étalant son empire, la nuit régnait à présent sur la forêt. Son voile laissait filtrer la lumière dans les trous effilochés de son sombre habit. Cependant, une plus grande lumière éclipsait ces misérables points blancs. D'une taille écrasante, la lune nimbait le monde de sa clarté et accueillait à bras ouvert les noctambules qui souhaitaient apprécier sa beauté. La prêtresse de la cérémonie se trouvant dorénavant haute dans le ciel, il ne manquait plus que l'alpha et sa dulcinée pour entamer la cérémonie. Néanmoins...

-Où se trouve l'humaine ? héla l'un des loups dans la multitude.

Tous les lycanthropes se concertèrent de concert mais aucun ne semblait pouvoir élucider cette mystérieuse disparition. Il fallait se dépêcher avant que Yuweï daignât revenir...
Dans la crainte que leur alpha jetât sa fureur sur eux, ils se séparèrent tous en groupe afin de pister la trace de l'humaine.

Cependant l'un d'eux était au courant de sa position. 

Près de la tanière d'un ours, Elmen avait emmené Lila afin qu'elle s'imprégnât de l'odeur de ce prédateur et ce, par tous les moyens possibles...

-Tu t'es bien recouverte ? demanda alors fort inquiet Elmen.

-Je crois bien, affirma Lila, une moue dégoutée peinte sur son visage. 

-Désolé, c'était la meilleure manière de cacher ton odeur. Si cela peut te rassurer, même mon museau m'annonce que je suis face à des excréments et non à une humaine!

La jeune femme était en effet recouverte de la tête aux pieds de feuilles mortes, de terre et des déjections de l'ours qui somnolait à deux pas. Lila, d'abord fort hésitante, avait dû se rouler pêle-mêle dedans. Cette situation lui fit affreusement pensé à la danse endiablée des cochons se roulant dans la boue. Mais lorsqu'on était face à une meute entière, tous les moyens étaient bons pour fuir.

Elle avait dû d'ailleurs abandonner quelques effets personnels afin qu'Elmen les éparpillent à travers toute la forêt afin de tromper durant un temps l'odorat des lycanthropes. Elle était à présent en proie au froid de la nuit avec l'absence de sa veste et ses vêtements trempes mais elle ne s'en plaignit pas. L'heure était à l'escapade.

Elmen s'accroupit afin de permettre à la jeune femme de monter sur son dos. Elle monta avec peine sur celui-ci et s'accrocha de toutes ses forces aux poils drus du loup brun. Plus piquants et moins soyeux, on voyait bien que le béta se souciait peu de la propreté de son pelage. Cependant, tenir entre ses mains ce poil plus rêche semblait permettre à Lila de prendre d'autant plus conscience du choix qu'elle prenait. Elle rentrerait chez elle et ce, en abandonnant derrière elle celui en qui pourtant elle aurait auparavant confié sa vie, son amour...

-Ne t'inquiète pas, ils ne risquent pas de nous rattraper aussi tôt, intima Elmen qui se mit à courir à travers les arbres devenus de simples ombres. Le temps que Yuweï prenne connaissance de ce qui se passe, nous aurons une heure devant nous.

Le coeur de l'humaine battit à cent à l'heure à ces mots, Elmen le sentait. Néanmoins, il fut reconnaissant envers elle pour ne pas défaillir dans un moment pareil et de ne pas regretter sa décision. Il était après tout trop tard pour faire machine arrière à présent.

Puis seul le silence enveloppa ces deux êtres fuyants. Petit à petit ce fut la mélopée de la forêt qui prit le pas. Des hululements et des bruits d'insectes voletant entonnèrent autour d'eux un chœur. Le souffle tendu qui les accompagnait appartenant à Lila chatouillait presque les oreilles du béta. À chaque pas, Elmen avait l'impression d'imposer le rythme à cette chanson et que c'était la lune, haute dans le ciel, qui tenait lieu de spot lumineux dans ce monde composé d'ombre aux mille nuances. Seule couleur dans ce tableau, deux étoiles filantes brunes brisaient la monotonie de l'endroit.