Un soir de février, exceptionnellement, notre classe a fini une heure avant celle de notre amie Camille. Lorsqu'on le lui a dit, elle m'a dit à moi, Enzo et Paul d'en profiter et de rentrer en avance sans elle. Elle insistait pour qu'on ne gâche pas ce petit bonus pour elle. Alors on a accepté. Elle devait nous appeler en FaceTime le soir même pour un exposé en groupe. On a attendu deux heures sans qu'elle ne nous contacte. Mais on ne s'inquiétait pas : elle avait probablement juste oublié. Camille n'est pas venue en cours le jour suivant, ni celui d'après, ni tout le reste de la semaine. Environ une semaine plus tard, en cours de français, le proviseur entra :  « Vous êtes bien la classe de Camille Dujant ?»
La classe repondit à l'unisson :  « Oui Monsieur... »
Il repris, une expression d'incertitude au visage :  « Écoutez, je ne sais pas comment vous annoncer cette terrible nouvelle... En fait... Il s'agit de Camille... Comme certain d'entre vous... Non... Comme l'entièreté de cette classe le sait, Mademoiselle Dujant a été absente depuis quelque temps... Et bien... J'ai le regret de vous informer que... Le commissariat de police a hier révélé aux parents de cette élève... Qui ont ensuite pu nous appeler ce matin... Que la raison de cette absence... est le décès de Camille Dujant...»
Un silence choqué accueillit ces révélations. Le proviseur repris...  « Je suis conscient qu'accepter cette information va vous prendre du temps, et par conséquent, la fin de cette semaine et la prochaine semaine de cours ne seront pas obligatoire. Ceux qui préfère venir quand même auront cours, mais aucune sanction ne sera appliquée pour ceux qui ne viendront pas... Je vous demande de tout de même supporter les deux dernières heures d'aujourd'hui... Pour les amis de Camille, je vous invite à contacter sa famille si vous désirez avoir plus d'information...  »
Avant de partir, il se retourne vers la classe :  « Mes condoléances...  »
Une fois la porte fermée, je m'attendais à des réactions imprévisibles. Des pleurs, des échanges de questions, peut être un ou deux cris de désespoirs. Mais rien. La réaction fut la même pour tout le monde : le silence. Même le prof ne bougeait plus, interdit, sur sa chaise, le regard perdu dans les nœuds du bois de son bureau, et la bouche entrouverte. Moi, j'étais silencieux. Mais je cherchais déjà, le téléphone caché sous ma table, le numéro des parents de Camille. Je l'avais quelque part. Une fois que je l'eu trouvé, je n'attendais qu'une chose, la sonnerie. Le silence me pesait. Je voulais poser un millier de questions. Je voulais savoir comment elle était morte. Pas pour des raisons bizarres, ou une obsession malsaine. Non, juste parce que ce n'était pas logique. Elle était en bonne santé, n'avait aucun problème, aucun ennemi... Ça ne collait pas ! Lorsque la sonnerie a retentit, j'ai attendu quelques instants que tout le monde se mette à ranger ses affaires, mais personne n'a bougé. J'étouffai, il fallait que je sorte d'ici. Je me suis levé lentement, regardant autour de moi, m'attendant à ce que quelqu'un me regarde de travers pour avoir dérangé le silence. Mais non. Tout le monde est petit à petit sorti de sa léthargie, et a commencé à ranger ses cahiers. Je suis sorti en premier, murmurant à peine un "au revoir monsieur"...

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