Fondante déception

Chapitre 3

Issan s'accorda l'après-midi pour peaufiner son plan afin qu'il soit le plus parfait possible. Il prit un bon bain chaud qui détendit chacun de ses muscles crispés, puis se vautra dans son lit et s'endormit presque aussitôt.

Le coq du voisin braya dès les premières lueurs de l'aubes, soit aux alentours de neuf heures du matin, hiver oblige. Issan bondit sur ses pieds et revêtit la première tenue qui lui passa sous le bras. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit le sweat à l'effigie d'un gros festival de rock que lui avait acheté Ned lors de leurs dernières vacances. Les voix criantes, les basses assourdissantes, les enceintes crachant leur musique le plus fort possible, les effluves d'alcool et de transpiration. Mais avant tout, le sourire qu'avait eu Ned. Issan eut un pincement au coeur en se souvenant de cet incroyable moment. Puis une puissante vague de détermination le submergea. Il devait agir et réparer ses erreurs.

La première étape était donc de réconcilier Suzy et Nico. Issan se demanda un instant où ils pouvaient bien se trouver avant d'entendre un bruit de fenêtre brisée et un cri plus meurtrier qu'une bombe atomique.

Suzy et Nico habitaient en effet une petite maison à trois pas de celle d'Issan. Il sortit donc de chez lui et s'y rendit, traversant simplement la rue en évitant soigneusement la voiture qui lui fonçait dessus en klaxonnant énergiquement. Arrivé devant la maison de ses amis, Issan frappa trois coups légers.

Personne ne lui ouvrit.

Il frappa un peu plus fort.

Toujours rien.

Il appuya alors sur la poignée et, miraculeusement, la porte s'ouvrit. Il pénétra dans la grande maison lumineuse, guidé par le son du verre brisé et les cris suraiguës. Lorsqu'il atteignit le salon, il remarqua que Suzy menaçait son mari avec sa paire de talons-aiguille. Nico avait les lunettes à moitié fendues et sa main saignait. Suzy braya une suite de noms d'oiseaux à l'égard de son mari avant de s'apercevoir de la présence d'Issan. Aussitôt, elle se raidit et reposa sa paire de chaussures. Nico réajusta ses lunettes rondes.

- Quel est le sujet de la dispute ? Demanda Issan sans même dire bonjour.

Suzy regarda Nico qui regarda ses pieds avant de relever les yeux vers le nouveau venu.

- On ne sait plus trop, expliqua Suzy en arborant un moue contrariée. Ça a commencé chez toi et ça a continué, mais je n'arrive pas à me rappeler le pourquoi du comment.

- Toi tu ne t'en souviens peut-être pas, mais moi, si, intervint Nico en réajustant ses lunettes encore une fois. Je suis tombé, tu t'es inquiétée, tu m'as traité d'imbécile et tu as décidé de ne plus me parler jusqu'à nouvel ordre.

Issan soupira théâtralement. Nico n'était pas du genre rancunier, mais Suzy, si. A ce rythme là, ils n'étaient pas sortis de l'auberge, risquant même d'y être enterrés.

- Ah oui ! S'exclama Suzy en levant l'index en l'air, comme si elle venait de résoudre l'énigme du siècle. C'est vrai, maintenant que tu le dis, je m'en rappelle. Ça ne change rien au fait que tu sois un imbécile.

- Tu veux qu'on en parle de ta stupidité ? Se braqua Nico.

Suzy lui lança un regard effaré avant de fondre en larmes. Aussitôt, Nico regretta ses mots. Son visage se décomposa et il s'agenouilla à côté de sa femme, hésitant à poser une main réconfortante sur son épaule.

Issan se frappa intérieurement la tête avant de prendre la parole. Il avait peut-être une idée, finalement. Si Suzy et Nico ne voulaient pas arrêter de faire la guerre, alors ils devaient au moins devenir alliés.

- Vous êtes aussi pathétiques que lorsque nous étions au lycée, déclara Issan d'un ton tout à fait détaché.

Suzy releva la tête, Nico aussi.