Chapitre 5

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Issan tambourinait presque furieusement à la porte de Ned. Il devait impérativement le voir, là, maintenant, tout de suite. Il avait attendu ce moment depuis une semaine, avait absolument tout préparé : son discours, sa tenue, sa coiffure... Tout était parfait. Il ne restait plus qu'à espérer que son ami le pardonne.

Issan entendit la porte cliqueter et il arrêta aussitôt son vacarme. Ned apparut dans l'encadrement, habillé d'un simple t-shirt à l'effigie d'un groupe de rock qu'il n'avait jamais particulièrement apprécié et d'un short des plus banals. Mais Issan ne faisait pas attention à ses vêtements, ni même à son expression surprise. Tout ce qui l'intéressait étaient ses yeux. Ses yeux. Il avait retrouvé ce regard indifférent que tout le monde trouvait réconfortant. Issan ne savait ni pourquoi, ni comment, mais Ned était de nouveau là. Le vrai Ned. Celui qui riait à tout va, celui qui disait les choses comme elles étaient, celui qui n'avait pas peur, pas mal.

- Issan ? S'étonna Ned. Mais qu'est-ce que tu fais là ?

Avec un grand sourire un peu bêta, Issan s'approcha de son ami et attrapa ses deux joues moelleuses pour rapprocher son visage du sien.

- Tu m'as dit que j'avais tout gâché, expliqua Issan, alors j'ai tout réparé. Tout est exactement comme avant. Nico et Suzy batifolent dans les champs, Andy porte ses lunettes de soleil, Martine se maquille et Amadeus caresse son chat. Tu vois ? J'ai tout arrangé. Tu peux me pardonner, désormais.

Ned fronça les sourcils, un peu perdu, et cligna des yeux.

- Tu as fait tout ça pour moi ? Demanda-t-il, désemparé.

- Pour nous, rectifia Issan. J'ai tout arrangé pour nous. Parce que nous sommes amis depuis des années et quoi qu'il puisse arriver, j'ai besoin de vous. De vous tous.

Ned hocha la tête, silencieux. Un petit sourire ornait ses lèvres. Issan s'éloigna subitement et fouilla dans son manteau. Il en ressortit une feuille de papier sur laquelle étaient alignés de magnifiques arabesques bleues formant des mots, des phrases, des émotions. Ned ne comprit pas lorsque son ami le lui tendit.

- Mais j'ai fait ça pour toi, continua Issan. Enfin, Amadeus m'a bien aidé. Il m'a même plutôt forcé, en réalité, et je me suis dit qu'il était préférable de te le donner, plutôt que de le jeter, alors voilà.

Ned saisit le papier et parcourut lentement chacune des lettres couchées sur la feuille. C'était un poème. Il reconnut parfaitement le style d'Amadeus, raffiné et un peu étrange, mais aussi le langage d'Issan. C'était ses mots, ses pensées. Ses sentiments.

Son amour.

Lorsqu'il eut fini de lire, Ned eut d'abord peur. C'était là un magnifique poème, l'un des plus beaux qu'il ait jamais lus. Mais c'était en même temps tellement plus que cela. C'était une confession, une tempête d'amour et de passion qui tourmentait l'encre. C'était une excuse, de celles qui vous retournent le cerveau, qui vous tordent le ventre, qui vous donnent envie de pleurer, de crier, de sourire et de chanter. C'était aussi une dévotion. Une dévotion, pure et crue. Issan se livrait à lui, il se mettait à nu, il le faisait entrer dans son monde, dans son coeur, et cela terrifiait Ned car il avait vraiment envie d'y plonger.

Son silence inquiéta tout de même Issan. Celui-ci pencha la tête sur le côté, attendant une réponse qui ne venait pas. Et si Ned ne lui pardonnait jamais ? Il en serait profondément affecté, mortifié, dévasté. Que ses amis soient là où non, Ned était celui qui comptait le plus aux yeux d'Issan, celui sans qui il ne pouvait plus respirer, celui sans qui le monde tournait à l'envers, voire même plus du tout.

- Je n'aime pas les poèmes, lâcha finalement Ned.

- Je sais, répondit Issan. C'est pour ça que je ne voulais pas l'écrire, à l'origine, c'était juste un prétexte pour qu'Amadeus-

Fondante déceptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant