Jinyoung courait partout dans les couloirs de l'entreprise, les bras chargés des dossiers qu'il avait mis beaucoup trop de temps à retrouver dans le capharnaüm de la salle des archives. Il devait éviter les autres travailleurs de la société qui ne faisaient guère attention à lui. Après tout il n'était qu'un simple stagiaire.
Il parcourait les derniers mètres le séparant du bureau du patron qui l'attendait quand il trébuchait malencontreusement dans un pli de la moquette. Les dossiers lui glissaient des mains, s'éparpillaient sur le sol alors que Jinyoung atterrissait à quatre pattes, gémissant sous la douleur alors que ses genoux rencontraient durement le sol. Il entendait tout le monde s'arrêter de travailler et leurs regards se porter sur lui. Il baissait les yeux pour échapper à leurs jugements et se dépêchait de ramasser les dossiers qui, bien évidemment, pour ajouter à son malheur, s'étaient mélangés dans leurs chutes.
Les murmures de ses collègues, s'il pouvait les appeler ainsi, lui parvenaient indistinctement. Il n'avait ni le temps, ni l'envie de connaître ce qu'ils disaient. Il ramassait les dernières feuilles quand deux chaussures noires parfaitement cirées entraient dans son champ de vision, s'arrêtant à quelques centimètres de ses doigts qui allaient se refermer sur la pochette d'un dossier. La personne portant ces chaussures s'accroupissait doucement, avec une élégance et une masculinité force jusqu'à être à la hauteur de Jinyoung qui relevait timidement les yeux sur les cuisses musclées et galbées de noir, le torse fin avec une chemise blanche et une veste noire, de larges épaules et enfin un visage légèrement pointu aux pommettes saillantes, aux arcades sourcilières sévères au-dessus de deux yeux noirs fins surmontés de deux grains de beauté sur son œil gauche. Jinyoung reconnaissait alors sans mal le directeur de l'entreprise, augmentant le stress et la honte qu'il ressentait de la situation dans laquelle il s'était encore mis avec son implacable maladresse.
Il déglutissait violemment, se penchant en avant pour ramasser la dernière trace de sa maladresse mais une main aux doigts fins et musclés décorés d'une lourde chevalière et d'une grosse montre luxueuse le devançait, ramassant la feuille avant de se relever. Jinyoung se dépêchait de l'imiter en gardant les yeux au sol, attendant avec hantise l'éclat venir. Mais ce dernier ne venait pas. Im Jaebum, son patron, lui tendait la feuille tombée doucement, sans rien dire. Jinyoung la prenait de ses doigts tremblants, balbutiant un remerciement, même s'il n'était pas sûr que sa voix soit portée jusqu'aux oreilles percées de Jaebum.
- Venez dans mon bureau, stagiaire.
Il n'y avait aucune colère dans sa voix, elle était posée, certes autoritaire mais elle n'était guère différente de celle que Jinyoung avait pu entendre lors de ses quatre dernières semaines en tant que stagiaire dans cette entreprise.
- O-Oui, monsieur.
Jaebum tournait sur ses talons et prenait la direction de son bureau, Jinyoung se dépêchant de le suivre diligemment alors qu'il entendait les murmures reprendre parmi ses "collègues". Une fois pénétré dans le bureau il fermait la porte et se tenait debout étrangement près d'elle, attendant que le patron reprenne la parole. Ce dernier rejoignait de sa démarche assurée son bureau et se laissait tomber dans son large fauteuil de cuir noir avant d'inviter d'un geste de la main Jinyoung a s'asseoir face à lui. Jinyoung obéissait. Il se tenait droit sur sa chaise, les pieds bien à plat sur le sol, les cuisses et les genoux collés, les dossiers posés dessus alors qu'il les tenait de ses deux mains. Malgré que son dos soit droit il avait les épaules légèrement courbées en avant, preuve de son malaise. Il repoussait d'une main rapide la mèche sombre qui lui tombait dans les yeux et redressait le nœud de sa cravate, attendant que Jaebum prenne la parole.
- Vous avez trouvé les dossiers que je vous ai demandés ?
- O-Oui monsieur...
Jaebum tendait la main vers lui, demandant silencieusement à Jinyoung de lui rendre mais ce dernier ne faisait rien, créant un froncement de front chez son patron. Il se mordait la lèvre violemment en baissant encore plus la tête.