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Le bruit incessant des rires d'enfants lui arracha un grognement ; les mains dans les poches, un tissu teinté de noir sur le corps, il s'avançait tant bien que mal dans les rues chaudes. Ces iris ébènes se posaient un peu partout, tantôt sur un couple qui se tenait la main, chaleureusement, tantôt sur une bande d'enfants qui couraient dans tous les sens, joyeusement. D'une certaine manière, il détestait ça ; il détestait s'avancer dans ces rues, sous ce soleil chaud, entouré de tous ces gens. Parce qu'à chaque fois, ça lui revenait au visage, ça le prenait aux tripes, ça lui arrachait le cœur, ça l'étouffait. L'univers continuait de faire des progrès, l'humanité continuait de faire quelques pas mais lui, lui il était en suspens, brisé, détruit, au bord du vide.
Son pied tapa brutalement dans une pierre et ces iris brunes se posèrent douloureusement sur les grilles métalliques du cimetière ; les journées s'écoulaient, lentement et bientôt, cela ferait trois ans. Peut - être était - il à lui seul un amas de malheur ? Parce que chaque fois qu'il s'approchait d'un trésor, de quelque chose de précieux, de beau ; ça volait en éclats.

Le cœur meurtri, il s'engouffra dans ce lieu macabre, à bout de souffle. Si il était les ténèbres, ce garçon avait été, tout au long de son existence, la lumière ; ça le tuait de le voir, dans un lieu si sombre. Un soupir s'échappa de ses lèvres et ces iris brunes fixèrent ces vieilles baskets ; il connaissait le chemin, par cœur.

Dans un geste hasardeux, il leva ces prunelles vers la pierre tombale à quelques mètres de lui et son cœur rata un battement ; là où ces iris auraient dû effleurer l'épitaphe de la dalle, elles se posèrent sur un amas de mèches roses. Il déglutit, maladroitement, manquant de peu une quinte de toux et se contenta d'observer silencieusement ; les souvenirs d'une nuit lui revinrent en mémoire et il baissa les yeux, tristement. Huit mois s'étaient envolés depuis qu'ils s'étaient perdus, dans les bras l'un de l'autre, pendant une triste nuit ; huit mois s'étaient envolés depuis qu'elle avait prit la fuite, loin de lui, loin de ce malheur qu'il causait, partout où il allait.
Pris d'un faible élan de courage, le brun s'avança, maladroitement, tentant tant bien que mal de ne pas s'effondrer, de ne pas prendre la fuite à son tour. Ces pas le guidèrent jusqu'à la pierre tombale et il se posta, à quelques centimètres, derrière elle.

« il aurait dû avoir vingt - deux ans, aujourd'hui » souffla - t - elle, douloureusement « encore une fois, il nous aurait forcé à se réunir, autour d'une table et j'aurais rouspété, lui faisant croire que j'avais quelque chose de prévu avec un bel homme, loin de lui alors qu'en réalité, je n'aurais jamais manqué son anniversaire »

Les mots de la jeune femme lui arrachèrent un froncement de sourcils et un sentiment de nostalgie, le grand brun aurait aimé qu'il soit là. Cet idiot avait toujours les bons mots, quoi qu'il arrive.

« ça faisait longtemps, sasuke » lâcha la rose
« huit mois, sakura » souffla - t - il, maladroitement

Bien qu'elle était dos à lui, il n'eût aucun mal à comprendre qu'elle acquiesçait à ces mots.

« je suis content que tu sois là » avoua le brun
« et je suis contente que tu sois là, toi aussi, ça lui aurait fait vraiment plaisir » dit - elle « il aimait ces moments où nous étions tous les trois, plus que tout »

Maladroitement, une main au creux de ses reins, elle se pencha, déposant un bouquet de roses blanches au pied de la dalle ; un petit sourire se glissa sur les lèvres du brun. Un sourire vite effacé lorsque le gémissement de douleur qui s'échappa des lippes de la rose se glissa à ces oreilles ; les sourcils froncés, il s'avança de quelques pas, se posant sur sa droite.
Et là, ce fût le déclic.

Une main en l'air, le brun observait la jeune femme, un air d'incompréhension dans les iris. Le bordel s'installa en peu de temps dans ses pensées et il fronça les sourcils, cherchant ses mots mais elle le devança.

« je suis enceinte »

Trois petits mots qui arrachèrent un pincement au cœur du brun ; alors, là où lui continuait de souffrir le martyre, elle était tombée amoureuse, et s'apprêtait à fonder une famille. Une partie de lui était vraiment heureuse pour elle, elle le méritait mais l'autre, souffrait.
Ces yeux s'accrochèrent au ventre très rond de la demoiselle et il se retint de lui demander si elle attendait des jumeaux ; sûrement qu'elle l'aurait mal prit si ce n'était pas le cas.

« de huit mois »

L'air lui manqua soudainement et il posa une main sur le côté gauche de sa cage thoracique, manquant de s'écrouler. La jeune Haruno s'empressa de la maintenir, debout. Et c'est au détour de ce cimetière, près de la tombe de l'homme qu'ils aimaient tous les deux, qu'ils se trouvèrent un bout de bonheur, incertain et maladroit mais bien là.

« 'cause you are loved »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant