Peut-être?

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Un hurlement retenti 6 rue des cerises, puis plus rien. Le calme. Un calme accompagné d'un silence à glacé le sang. Le souffle de la vie vient de se retirer du corps du propriétaire de cette modeste maison au toit en gland et aux murs de pépins. Un honnête homme sans histoire, sans femme ni enfants, vient d'être froidement assassiné après une soirée mouvementée.

Bligue s'était assis dans son canapé de pois comme tous les soirs pour regarder une quelconque émission télé. Les pâtes bouillaient tranquillement tandis que la pub tentait vainement de vendre de quelconque bibelots débiles. Un bruit de vitre brisée se fit entendre mais il n'y porta pas attention: le quartier est peu sûr et ce genre de son s'entend souvent. Cependant la télé n'est pas assez forte pour camoufler les bruits de pas frappant le couloir. Il se lève, s'approche, passe la tête et entrevoit une ombre, une silhouette. Pris de panique Bligue court en sens inverse, il se retrouve au salon, les escaliers, la seule issue si ce n'est la porte d'entrée. Un couloir: trois portes, trois cul-de-sac. La salle de bain? Elle a un loquet on peut s'y enfermer. Bligue fonce, il ferme, saisit des objets pour pouvoir les jeter sur l'inconnu dans le cas où il serait agressif et se met en boule dans sa douche. Son cœur bat si fort qu'il a l'impression que tout le monde l'entend, sa tête cogne, l'angoisse l'agrippe à la gorge. Il écoute. Des pas. De plus en plus forts. Ils se rapprochent. Un cliquetis. Un cri. Le silence.

Tout le cerisier est secoué par la nouvelle: le tueur aux ailes d'argent a encore frappé. Il a été surnommé ainsi car sur chaque scène de crime se dessine le même schéma: une fée morte, sans ailes, une coupure net et experte, et au sol le sang dessinant des ailes. Voici deux semaines qu'on n'avait pas retrouvé de corps, on pensait qu'il avait peut-être migré vers une autre communauté de fées: les fées de la rivière et celles de l'arbre maudit ne sont qu'à 20 min de vol.

Toutes les fées n'ont qu'une seule idée en tête: se protéger, barricader les maisons, sauver les enfants. Toutes sauf une: Maud, elle ne pense qu'à Delta le jeune homme avec qui elle passe beaucoup de temps depuis récemment, ces deux meilleures amies, Cléa et Célia, sont persuadées qu'elle l'aime en secret bien qu'elle nie tout en bloc. Et puis Maud n'a pas à se soucier de ce tueur, elle a un secret, elle est protégée contre tous ces énergumènes car... La nuit venue Maud va dans son sous-sol étant encré dans le tronc, là se trouve un costume d'une beauté et d'une simplicité exceptionnelles. Un bas moulants, recouvrant les pieds, blanc; une jupette en pétales de tulipe; un haut de feuilles vert sombre recouvrant les bras en laissant le haut des épaules à nues; un masque de couleur identique au haut orner de fine dentelle et une couronne de boutons d'or pouvant retenir une partie des cheveux.

Avec sa peau beige claire presque blanche, son corps athlétique, ses yeux d'un bleu profond et sa cascade de cheveux brun sombre tombant gracieusement en bouclant sur ses épaules, cette tenue Maud la portait mieux que personnes. Ses ailes rouge sombre s'en détachaient comme un cadeau des dieux. Maud mène se double vie cachée du regard de tous. Ce meurtrier voilà 2 mois qu'elle le chasse sans trouver la moindre piste. Il l'a rend folle, elle y arrive toujours, pourquoi lui ça ne marche pas?

Cette nuit encore elle descend mettre sa tenue. Elle sort discrètement, ailes repliées, à pas de loup elle atteint le centre de l'arbre, la place principale. Une fois assurée que personne n'est dans les parages, elle lève la tête vers le ciel, ouvre ses ailes laissant s'en échapper une poignée de poussière dorée virevoltant autour d'elle telles de petites étoiles entourant la galaxie. D'un battement d'ailes puissant elle s'élève au dessus du village les yeux rivés sur toujours plus loin, toujours plus haut. En quelque battements la voilà au sommet, au dessus de tout, au dessus du vide.

Elle se pose sur une branche à l'extrémité du cerisier et contemple le magnifique spectacle s'offrant à ses yeux. La lune est pleine, ses rayons frappent doucement les dernières lueurs du soir. Au loin les fées de la rivières s'offre une fête au près de l'eau scintillante. Les fleurs et l'herbe s'étendent jusqu'à perte de vue, à peine visible dans la clarté du soir. Une douce brise caresse l'air et les épaules dénudées de Maud. Quelques fleurs du cerisier se détache et virevoltent dans l'air avant de se poser sur le délicat tapis de primevères trônant en bas de l'arbre. Les étoiles s'allument les unes après les autres. Certaines planètes sont de la partie ce soir. Tout est calme, seuls le bruit du vent et le clapotis de l'eau viennent troubler le silence. Demain elle a rendez-vous avec Delta,  elle ne sait même pas comment s'habiller, peut-être sa robe en pétales de roses? Ou son petit haut en violettes? Tant pis elle verra demain. Elle n'ose pas se l'avouer, mais au fond, elle brûle d'envie de le revoir. Elle aime se poser ici chaque soir avant d'aller enquêter et penser un peu à lui. Il exerce un sentiment inexplicable sur elle. Il hante ses pensées à longueur de temps et elle sent quelque chose d'étrange dans son bas ventre juste à la pensée de son visage, de sa voix, de sa silhouette... 

Il est l'heure, le soleil à finit de s'éteindre et seule la lumière bleuté de la lune baigne encore la prairie. Maud redescend au dessus du village puis observe, chaque passant, chaque trajet, chaque entrée dans les commerces de nuit. Elle virevolte d'une branche à l'autre à l'affut d'un cri ou d'un bruit sourd, surveillant tous les côtés dans l'espoir peut-être d'apercevoir le tueur aux ailes d'argent... 

Derrière luiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant