Le tueur aux ailes d'argent

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Delta s'était réveillé tôt et avait décidé de rentrer chez lui avant le réveil de Maud. Il traîna des pieds, la tête remplie des événements de la veille. Il marche lentement jusqu'à chez lui, un nombre incalculable de pensées lui traversant l'esprit. Il n'a aucune idée de ce que pense Maud, a-t-elle aimé? L'aime-t-elle? N'a-t-elle fait que passer le temps? Est-il amoureux d'elle? Ce dont il est sûr, c'est que ce n'est pas comme avec les autres fées qu'il a côtoyées. Cette fois c'est plus... Ou moins... Non il n'en sait rien, il n'a aucune idée de comment décrire ce qu'il ressent... C'est différent et c'est tout. Il arrive chez lui toujours perdu dans ses pensées, la porte est ouverte. Il rentre prudemment. Personne. Il passe l'entrée et arrive dans son petit salon: tout est saccagé, retourné, brisé. Delta se précipite, il fouille partout à la recherche de ses objets de valeurs: rien n'a été volé. Essoufflé, il s'arrête et observe le spectacle s'offrant à ses yeux: tout se trouve au sol, son canapé est sur le côté, éventré, la table a perdu ses pieds qui sont maintenant éparpillés entre les différents objets et morceaux de vases qui jonchent le sol... Pourquoi? Pourquoi alors que rien n'a été volé? Serait-ce la magie de la Fée-Reine qui est venue rendre justice pour ce qu'il a fait dans le passé? Non impossible, jamais elle n'aurait été aussi violente pour les crimes mineurs qu'il a commis.

Plus tard dans la matinée alors qu'il était occupé à ranger vainement sa petite maison, un papillon de nuit se posa devant. Il tient une lettre et attend sagement la sortie du destinataire: Delta. Ce dernier sort et se rend compte que ce n'est pas une, mais deux lettres que tient le papillon-coursier. La première est de Maud, elle lui demande simplement si il va bien et si la journée de la veille lui a plut, mais la seconde n'a pas de nom d'auteur ni de cachet. Intrigué, Delta rédige rapidement une missive pour Maud qu'il donna au papillon puis rentre chez lui. Une fois assis sur ce qu'il restait de son canapé, Delta ouvre d'une main fébrile cette mystérieuse lettre... Elle est écrite d'une écriture tremblante, dans une encre noire comme une nuit sans lune. A cette vue Delta sent un frisson lui parcourir l'échine, sa vue se brouille, il n'arrive pas à poser ses yeux sur la lettre et à lire simplement ce qu'il y est écrit. Il ferme les yeux, prend une grande inspiration, une deuxième, une troisième, sa main se calme, sa vue revient, sa concentration aussi. Il pose les yeux sur la lettre et lit dans un silence de plomb:

"Cher Delta,

C'est moi, celui qu'on appelle "le tueur aux ailes d'argent". Alors? Ce n'est pas très gentil de ne pas être là quand je viens te rendre visite. J'étais très fâché. Mon ami n'a pas voulu jouer avec moi. Tu n'as pas voulu me prêter tes ailes, encore une fois je n'ai pas pu voler. Tu triches, ce n'est pas très drôle de jouer avec toi. Ou alors tu veux jouer à chat? Oh quelle bonne idée! On va jouer Delta, mais je n'aime pas perdre."

Delta se sent défaillir, et avant qu'il ne s'en rende compte, il s'évanouit.

Pendant ce temps un homme mystérieux rit, d'un rire à glacer le sang, seul, dans les tréfonds du tronc de l'arbre aux fées. 

Trois jour plus tard, Delta et Maud ont a nouveau rendez-vous mais dans un parc cette fois. Maud est en avance comme toujours, elle profite de la douce brise de printemps, des bourgeons qui s'ouvrent doucement, du chant de la nature. Elle attend impatiemment l'arrivée de Delta, leur dernière journée ensemble était merveilleuse mais une question reste en suspend: sont-ils ensemble? Elle le voit arriver au coin de la rue: tête baissée, pieds trainant. N'a-t-il pas envie de la voir? Il s'approche avec une vitesse plus que raisonnable, le cœur de Maud bat à un rythme fou. Il s'assied à ses côtés, ne laissant entendre qu'un faible bonjour, la tête ailleurs ses yeux ne se posent même pas sur elle. Maud cherche leur éclat bleu, mais ne le trouve pas, elle essaye de lui parler mais il semble être dans une transe l'empêchant de répondre par autre chose que de vagues onomatopées. Elle décide finalement de lui poser la fameuse question. Il semble sortir d'un coup de sa transe, il ne bouge pas comme si on venait de lui annoncé une grave nouvelle. Il réfléchit, se tourne doucement vers elle, elle aperçoit enfin ses yeux, ils sont vitreux et cernés, il pose ses mains sur ses frêles épaules: "Maud, Maud écoutes moi, je t'aime, sincèrement, mais je ne peux pas sortir avec toi, c'est trop dangereux pour toi, je suis désolé."

Sur ces paroles, sans la laissé répondre, il s'envole et s'en va. Elle reste là, sans bouger, sous le choc, dubitative. Qu'est-ce qui lui a prit? Est-ce qu'il l'aime vraiment? Ou n'est-ce qu'une excuse? Elle sent une forte nausée monter en elle et les larmes lui piquer les yeux. Elle se met à courir, vite, toujours plus vite. Les larmes dégoulinent sur ses joues, traçant de longues courbes noires jusqu'à s'envoler dans l'air avec la vitesse. Elle s'enferme chez elle en étant incapable de stopper ses torrents de larmes. Malgré tout elle décide le soir même de retourner à la chasse au tueur, de mettre toute sa rage dans sa recherche. Elle enfila son costume et s'envola au sommet de l'arbre. La nuit est sinistre, la lune ne montre pas le bout de son nez. 

Elle vole de gauche à droite l'esprit plein des paroles de Delta, virevoltant distraitement, elle n'arrive pas à comprendre le sens de ces mots. Sans s'en rendre compte elle tourne inlassablement autour de la maison de celui qu'elle aime, sans se rendre compte non plus de ce qui se passe à l'intérieur... 

Derrière luiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant