6 - P L A I E S

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      Le bureau d'Indra était étrangement froid quand il y rentra et le sol en faux carrelage en plastique était gondolé et s'écrasait sous ses pieds. Il attendit patiemment que la femme finisse de taper sur son clavier et ne put s'empêcher de sourire quand elle leva enfin le regard à lui. Indra avait toujours été un sacré bout de femme. La peau chocolat, les cheveux ébènes, et les traits sûrs mais prêts à s'adoucir, tout en elle était assumé et réfléchi. Elle avait des yeux aussi sombres que les siens mais Bellamy avait appris à les craindre autant qu'à les respecter ; elle savait ce que vous pensiez en quelques coups d'œil et n'hésitait pas à vous remettre aimablement à votre place aux moindres écarts. Et malgré ses principes stricts que lui avaient valus sa place de principale, la directrice n'avait jamais été accusé de la moindre injustice ou du moindre propos mal placé. Bellamy ne cessait d'être étonné par le professionnalisme et les capacités dont elle regorgeait, la rapidité avec laquelle elle réglait tout problème et le calme implacable avec lequel le faisait sans que jamais elle ne laisse transparaître un début de doute.

Indra avait dû s'imposer comme une femme jeune et noire voulant un poste d'autorité et même si elle n'en parlait jamais, il était évident qu'elle avait dû sacrifier de nombreuses choses pour obtenir ce qu'elle voulait. Travailler avec son mari avait été l'ultime épreuve, prouvant qu'elle était capable de ne jamais mêler vie privée et travail et jamais on n'était venu crier au scandale face à la situation.

Bellamy ne pourrait jamais assez la repayer pour le temps et les efforts qu'elle avait mis en lui et sa sœur ; quand elle les avait pris sous son aile, elle venait d'accueillir Lincoln au sein de son foyer et commençait depuis à peine quelques années son travail de proviseur ; elle avait peu d'argent, cherchait un appartement et Kane combattait une dépression un peu plus mordante qu'à son habitude. Elle avait portée seule sur ses épaule un lycée qui se noyait dans le manque de budget et les mauvaises réformes, son mari qui coulait dans des eaux trop sombres, un enfant qui avait tout perdu et deux frère et sœur qui n'avait personne mais pouvait compter sur elle aux moindres problèmes. Et jamais elle n'avait failli ; il y avait des trébuchements, quelques chutes, elle s'était écorchée, avait saigné, s'était ouvert la chair et en avait vomis ses tripes, mais jamais elle n'avait laissé l'un d'eux tomber. A ce jour, elle était ce qu'il se rapprochait le plus d'une mère, d'un maître et d'un sauveur. Il devait beaucoup, beaucoup trop à la proviseure.

« Tu te plais ici ? »

Elle avait cessé de regarder son écran pour reposer son regard sur son presque fils. Il y avait un léger sourire sur ses lèvres, discret mais chaleureux. Il lui sourit en retour.

« C'est parfait, il répondit. Merci, beaucoup.

– Et la classe de terminale L, tu t'en sors ? »

Il réprima une grimace. Si l'on oubliait le problème nommé Murphy, la classe de L en elle-même n'était déjà pas un cadeau. Agitée, peu investie et hétéroclite, il devait se battre en permanence pour maintenir un niveau acceptable et empêcher certaines heures de cours moins maitrisées par les enseignants – le professeur de littérature pour ne pas en citer – de tourner à l'anarchie. Il y avait eu des crêpages de chignons inutiles et ridicules et quelques situations avaient déjà faillis dégénérer. Comment des adolescents de 17 à 18 ans pouvaient être aussi immatures, du moins pour une partie, il ne comprenait pas, et il avait la plus profonde certitude qu'une classe de maternelle aurait été moins éprouvant pour ses nerfs. Par chance, il avait toujours été doté d'une autorité qui lui permettait d'imposer le respect auprès de ses élèves et une expérience avec Octavia qui lui servait de repère à chaque instant. Accepter le poste de prof principal de la classe la plus redoutée de l'établissement avait été sa manière de remercier Indra de lui offrir ce travail à la dernière minute et il ne pouvait simplement pas la décevoir.

Page trois du règlement : J'te baiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant