Jour 50 (suite)

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J'étais sur le point de franchir le pas avec Cyril. J'ai croisé son regard et j'ai prononcé ces paroles :

— Avec un joint, ça peut être encore plus agréable.

Il m'a repoussé assez violemment. Il s'est rhabillé. Je n'ai pas tout de suite pris la mesure de ce que je venais de dire.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Je ne suis pas une pu***. Je ne veux pas coucher avec toi en échange de quoi que ce soit. Tu crois que je vais te filer de la daube gratuitement parce qu'on fait l'amour ?

— Non, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je, enfin...

— Tu sais que tu n'as pas le droit de toucher à la drogue. Le départ de Steven ne change rien. Et je n'apprécie pas du tout que tu essaies de m'amadouer avec le sexe pour obtenir ce que tu veux.

— N'importe quoi, ce n'est pas ça du tout.

— À plus tard.

Il est parti, me laissant là, totalement seul. C'était ce que j'avais demandé au départ ! Sauf que du coup, je me sentais encore plus mal qu'avant.


Avec Steven, la relation était simple, évidente, naturelle. On dirait bien que maintenant, je vais devoir affronter la réalité. Quand on est parfaitement compatibles, il n'y a pas à réfléchir, on est en accord parfait. Avec d'autres, c'est beaucoup plus compliqué ! Tant que Steven était là, physiquement, que je pouvais me réfugier chez lui à la moindre saute d'humeur, je me sentais fort, presque invincible. Maintenant je suis seul. Bien sûr, il y a Sébastien, Fabien, Céline et j'espère encore Cyril. Ce n'est pas tout à fait pareil. La moitié de mes amis ne connaissent pas ma vraie nature et avec les autres je ne peux pas me confier comme avec Steven.


Après cette débâcle, je suis rentré chez moi. Assis sur mon lit, dans ma chambre, j'ai eu la désagréable impression de revenir au point de départ. Isolé, dans une ville que je ne connaissais toujours pas bien. Sans personne pour me prendre dans ses bras et me consoler. Dans ces conditions, on en vient vite à se poser des questions qui ne font qu'alimenter la négativité. Est-ce que je vais retrouver cette complicité un jour ? Est-ce que je vais être amoureux une nouvelle fois comme je l'ai été avec Steven ? Je n'ai pas pu faire autre chose que de pleurer pour le reste de la journée.

— Salut.

Je ne l'ai même pas entendue frapper à la porte de ma chambre. Céline est entrée, le visage grave. Une expression de circonstance !

— Je dois te dire un truc. J'ai fait quelque chose et je ne suis pas certaine d'avoir bien agi.

— Dis toujours, de toute façon je ne peux pas être plus mal.

— Un nouveau bruit court, comme quoi tu as rompu avec Séverine, ta petite amie imaginaire. Tu vas de toute façon avoir l'air triste devant les autres. Ils vont comprendre que quelque chose a changé et je voulais préparer le terrain. Tu ne m'en veux pas ?

— Bien sûr que non. Peut-être que c'est la bonne solution.

— Je peux faire quelque chose pour t'aider ? Je sais que c'est difficile les chagrins d'amour.

— Je veux juste être seul.

C'est bizarre cette envie de solitude quand en réalité on veut vraiment être entouré par ses amis. Peut-être que je ne voulais pas qu'on me voie dans cet état. Un homme, ça doit être fort, ça doit tout surmonter. Un homme ce n'est pas censé pleurer comme une fillette. Un homme c'est robuste ! Je sais, cette vision est un peu débile, pourtant on dirait que ça fait partie de notre instinct. Officiellement, je ne voulais voir personne. Officieusement, j'aurais bien aimé que tous les gens que je connais soient là.


Je ne me souviens plus de ce que j'ai fait de ma journée. À part pleurer et somnoler, je n'ai pas été productif. J'ai dû me reprendre quand ma mère a annoncé que quelqu'un venait me voir. Bizarre, quand une fille me rend visite mes parents ne prennent pas la peine de l'accompagner jusqu'à ma chambre. Quand c'est un garçon, ils demandent l'autorisation de le laisser entrer !

— Ça va mieux ?

Sébastien est venu directement chez moi, à peine revenu de son week-end. Il est vraiment trop sympa.

— C'est difficile.

— Je sais, les ruptures ne sont jamais évidentes.

À cet instant, quand il parle de rupture, c'est à ma pseudo séparation avec Séverine qu'il fait référence.

— Je pourrais te dire des choses débiles comme : « une de perdue, dix de retrouvées », ou bien que le chagrin va s'estomper. Mais le plus important pour l'instant c'est de te changer les idées.

Il a balancé mes affaires de sport sur le lit. Inutile d'en dire plus. En pleine nuit, nous sommes allés faire plusieurs tours de stade. Sans discuter, sans un mot, nous avons couru plus que d'habitude. Évidemment que Sébastien avait raison, le sport permet de se vider la tête et l'épuisement physique permet de finalement s'endormir comme une masse.


Le journal de Mathieu (6)Where stories live. Discover now