Jour 54

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Je n'ai pas pu écrire beaucoup cette semaine. Lundi soir, à la piscine, dans le vestiaire, avant que nous ne commencions l'entraînement, Sébastien a fait asseoir tout le monde. J'oublie parfois qu'il est le capitaine de l'équipe. Par contre, quand il entre dans son rôle, il se dégage de lui une autorité naturelle qui lui permet d'avoir un ascendant sur tous les autres.

— Bien, le week-end prochain nous avons une importante compétition. Steven ayant quitté le groupe, il nous faut un remplaçant.

En fait, il n'y avait aucun suspense. Le seul nouveau dans l'équipe, c'était moi. Jusque-là je n'avais pas participé à des compétitions officielles, je ne me sentais d'ailleurs pas prêt du tout.

— Mathieu, il va falloir que tu t'entraînes comme un malade. On a besoin de toi dimanche.

Et effectivement, je me suis entraîné tous les soirs de la semaine ! Il y a d'un côté Sébastien le pote, hyper gentil, toujours prévenant. De l'autre, j'ai découvert Sébastien l'entraîneur. C'est son équipe, il est là pour gagner, il ne se contente pas de la deuxième place, il veut être le premier à chaque fois. Alors, il m'a fait subir un entraînement drastique. Il n'a laissé passer aucune faute. Il n'a jamais entendu mes plaintes et n'a pas accepté que je sois fatigué !


Samedi, je n'ai rien fait, pour reposer mes muscles. Et puis je me suis retrouvé en maillot de bain, dans la piscine fermée au public. Enfin, il y avait du public dans les gradins, mais le bassin a été réservé pour la compétition. Nous avons eu droit à un petit sermon dans les vestiaires.

— C'est la première compétition sérieuse de l'année. On est à domicile, alors on ne va pas se contenter de monter sur le podium, on va prendre la première place !

Il nous a farci le cerveau avec une bonne dose de positivité. Je ne l'avais jamais vu comme ça. J'ai compris pourquoi il était le capitaine bien qu'il soit parmi les plus jeunes. Il a un charisme de dingue quand il nous parle et on sent que ça lui tient vraiment à cœur.

— Laissez-nous.

Les autres sont sortis et Sébastien est venu s'asseoir à côté de moi.

— On y est, ta première compétition. Tu vas participer à la course en relai. Je sais que tu ne te sens pas prêt et que tu as peur. Je sais aussi que tu ne vas pas me décevoir. On compte sur toi et on a confiance en toi.

Il a tenté de me rassurer, sauf qu'à aucun moment ça n'a été l'ami qui m'a parlé, uniquement le capitaine. Et bien qu'il ait essayé d'être rassurant, j'ai enregistré le message : je n'aurais aucune excuse, je devais assurer, il nous fallait la première place.


Je voudrais croire que c'était à cause du stress, de la pression. Mais non, j'ai été totalement nul. Jusqu'à l'instant où je me suis lancé je me croyais bon nageur. Je dois me rendre à l'évidence, je ne suis pas à la hauteur. Pourtant, j'ai absolument tout donné, je croyais être à fond. Je me suis fait laminer par la concurrence. Nous avons quand même obtenu la première place, grâce aux autres membres de l'équipe, qui eux sont exceptionnels. Il s'en est fallu de peu, de quelques secondes seulement, tout ça à cause moi.


J'ai quand même eu des félicitations ! Céline et Cyril étaient dans le public. Olivier et Franck sont aussi venus me voir... J'ai été beaucoup plus surpris, évidemment, puisque je ne les connais que depuis à peu près deux semaines. Ça m'a fait plaisir que des gens se déplacent pour moi. Ils ont fait mine que j'avais bien réussi, sauf que ça ce sont les paroles des amis. Dans le vestiaire, à la fin de la compétition, la situation était beaucoup moins drôle. Personne ne m'a parlé. Sébastien n'a même pas posé un regard sur moi. Je me suis retrouvé seul sous la douche avec un des membres de l'équipe.

— On ne t'en veut pas, tu sais. Ça a été difficile pour tout le monde au début. La compétition ça n'a rien à voir avec les entraînements, la pression nous fait perdre nos moyens. Tu vas t'habituer à tout ce stress.

— Merci.

— Sébastien a beaucoup de qualités, c'est un super capitaine. Il a un seul défaut : il ne supporte pas de perdre.

— On n'a pas perdu !

— Non, effectivement, mais d'habitude on gagne dans les grandes largeurs. On a tous déjà subi les foudres du chef. Ne va pas lui parler, laisse-le ruminer et il viendra de lui-même vers toi, comme si de rien n'était.

Difficile de ne pas aller discuter avec celui que je considère comme mon meilleur ami.


Je n'ai pas pu me retenir, d'ailleurs. J'ai utilisé une technique que j'ai déjà éprouvée plusieurs fois. C'est un mec, il ne va pas me parler de ce qu'il ressent. Je n'ai qu'un moyen de le laisser évacuer son mécontentement : sur le ring. Ce n'est pas pareil qu'avec Cyril. Là je l'ai laissé frapper, sans trop rendre de coups, parce que je savais que j'étais beaucoup plus doué que lui. Il s'est déchaîné pendant une bonne demi-heure avant de se déclarer épuisé.

— Ça va mieux ?

— Ouais.

Nous n'avons pas parlé plus, mais je sais que j'ai pris la bonne décision. La boxe devrait être recommandée à tout le monde, c'est le meilleur sport pour décharger son énergie !


J'ai vu sur mon smartphone que j'avais reçu un e-mail de Steven. Je n'ai pas tout de suite osé le lire, j'ai attendu d'être tranquillement à la maison. C'était comme s'il m'avait planté un couteau dans le cœur. Il s'est remis avec son ex, qu'il a retrouvé en arrivant aux États-Unis ! Toutes ces belles paroles, tous ces mots d'amour, ce n'était donc que du vent ? Il m'a fait croire que c'était vrai, que c'était pour la vie, mais j'ai été vite oublié ! Pour l'instant, je n'ai rien répondu, je n'ai pas envie de lui écrire ou de lui parler. Il m'a fait croire que je serais le premier à aller voir ailleurs, du fait de mon âge, alors que c'est lui qui a succombé à peine rentré dans son pays !


Je me demandais si je retrouverais l'amour un jour. D'un coup, je n'ai même plus envie de chercher. Ça fait tellement mal...


Le journal de Mathieu (6)Where stories live. Discover now