Nathan se trouve seul.NATHAN
La mort de mon père ne fut pas triste. Encore moins tragique. Surtout pas mélancolique. Ce fut seulement un jour particulier. J’avais quinze ans, il s’est pendu. Au centre du salon, il se balançait comme un chandelier, avec quelques grincements seulement. C’est moi qui l’ai découvert.
Mon père me battait quelques fois, mais ma mère a toujours essayé de l’en empêcher. Plus rarement encore, il me touchait sans être violent, mais en me blessant quand même. J’étais jeune, c’était du passé. Mais je le savais et lui aussi. Et chaque fois qu’il me parlait ou me regardait, nous le savions tous les deux, ensembles et en même temps.
Alors c’est moi qui l’ai découvert. Et là encore, je le savais.
Ma mère a oublié. Moi je n’ai pas réussi.
Boite en fer blanc. Dernier souvenir du chandelier.
Une vieille photographie déchirée par accident. L’homme est grand et séduisant. Il sourit au photographe, il tient son maillot de bain d’une main, ma mère de l’autre. Ma mère n’a plus de bras gauche. Elle sourit moins.
Un harmonica. L’homme en jouait souvent à la fenêtre de sa chambre les soirs d’été. Le ciel était alors rouge comme dans un film américain, et cela malgré les fausses notes.
Un bulletin scolaire. L’homme avait été très bon élève, surtout en mathématique et en science,
l’assurance d’un bel avenir. Résultats insatisfaisants en art plastique.Une gourmette de baptême. L’homme n’était pas croyant mais avait accepté la tradition. Il se signait toujours à l’entrée des églises.
Une boite en fer blanc. Souvenir du voyage de noce en Provence, avec ses paysages aux couleurs acides et contrastées, au fond de laquelle subsistait l’odeur âcre d’une tisane aux fruits rouges. Sur le côté, un cœur gravé avec un couteau dans l’écaille d’un citron peint.Boite en fer blanc. Dernier souvenir du chandelier. Nouvelle œuvre de Nathan.
Le galeriste, qui semblait se tenir dans l’ombre, entre.
GALERISTE
Parfait. Vraiment, parfait. Bouleversant. Il faut la signer.
NATHAN
Non. Certainement pas. Je veux être anonyme.
GALERISTE
C’est impensable.
NATHAN
Je veux être anonyme, c’est tout.
GALERISTE
Et comment je t’appelle alors ? Tu as un pseudo ?
NATHAN
Je ne sais pas. Débrouilles toi.
GALERISTE
Et pour le prix ?
NATHAN
Comme tu veux. Choisis, je te fais confiance.
GALERISTE
Nous avons un titre ?
NATHANOui. "Le jour où j’ai tué mon père."
Noir.
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L'Amour de l'Art
Mistero / ThrillerTHEATRE - Nathan, jeune artiste introverti, ne vit que pour sa peinture. Un ami galeriste, désireux d'en faire une célébrité de l'art contemporain, accepte de l'exposer à la condition qu'il suive ses conseils. Aveuglé par sa quête de reconnaissance...