Désormais, plus aucune nuit n'est reposante. Choisir une tenue le matin est une torture. Maman a bien remarquée les cernes violacés sous ses yeux, son humeur maussade et attristée.
Elle lui a posé des questions, ils en ont parlé avec Papa. Prendre rendez vous chez un psy, entamer une thérapie ? Que faut-il faire pour soigner Chris ?
La petite ne parle pas. Elle en meurt d'envie, mais elle sait qu'il ne faut pas. Que diraient ses parents ? Rien. Ils attribueraient ça aux histoires du croque mitaine, des monstres sous le lit et de la Baba Yaga. Chris songea à dormir ailleurs. La baignoire, le paillasson et le carrelage froid du salon ne semblaient pas si déplaisants comparés à sa chambre.
Cependant, elle était trop intelligente pour savoir que ça ne réglerait pas le problème. Si ce n'était pas elle qui occupait la chambre, quelqu'un d'autre le ferait. Sa petite sœur peut être, que Maman portait encore dans son ventre. A la pensée du bébé si vulnérable au milieu des ombres, Chris tremblait.
Au fil des nuits, elle prenait soin de fermer la porte du placard avant d'éteindre la lumière. Les murmures commençaient toujours dans l'obscurité, peu après qu'elle se soit allongée. Elle essaya de s'endormir la lumière allumée, mais ses parents n'étaient pas d'accord.
« Tu n'es plus un bébé Chris ! Voyons ! »
Bien que les bruits résonnent, la perspective de la porte fermée la rassurait. Ca n'avait beau être qu'une bête porte en bois, elle constituait un obstacle, une limite entre les monstres et Chris. Dans le tumulte de ses rêves, elle l'imaginait comme une barrière infranchissable. Peut être que les créatures n'avaient aucun pouvoir tant que la porte était fermée ? Elles pouvaient s'exprimer, mais pas agir. Un peu comme cette sorcière dans le placard à balais, une histoire drôle que Maman lui a lue.
Un jeune homme fit l'acquisition d'une grande maison à prix cassé dont personne ne voulait, car une sorcière était enfermée dans le placard à balai. Par un enchantement magique, elle ne pouvait en sortir, sauf si on prononçait une formule. L'homme se tint tranquille au début, mais plus les jours passaient et plus il était obsédé par elle. Le risque l'excitait tout en l'effrayant et il finit par prononcer les paroles interdites. La sorcière jaillit le placard et tenta de le tuer.
Chris se trouvait dans une situation semblable. Elle détestait son placard, et pourtant, il l'obsédait. Qui étaient ces créatures ? Que voulaient-elles ? Pourquoi dans sa maison ? Son imagination délirante l'entraînait vers les plus folles conjectures.
Un soir, après que ses parents l'eurent embrassé sur le front, Chris s'endormit, trop épuisée par ces nuits blanches. La fatigue s'abattit sur elle comme une chape épaisse et elle sommeilla sans rêve.
Au beau milieu de la nuit, brutalement, elle s'éveilla. Une angoisse terrible l'étouffait et accélérait son cœur, elle était perdue ne sachant ni l'heure, ni le jour, ni l'endroit. Quelque chose dans son cerveau sonnait l'alerte. Elle tâtonna à gauche à droite, sans comprendre d'où venait le danger, jusqu'à ce qu'elle lève la tête.
Son estomac se contracta, elle réprima un hurlement, trouvant devant elle la porte du placard grande ouverte. Quand ? Comment ? N'avait elle pas pris soin de la fermer comme tous les soirs ? Tétanisée, elle sondait sa chambre du regard.
Pendant de longues minutes, peut être des heures, Chris fut incapable de quitter son lit ou d'esquisser le moindre mouvement. Elle fixait sans ciller son placard. Il était complètement ouvert, la bouche obscure plus immense encore que dans ses souvenirs. Alors qu'elle s'efforçait de se calmer, Chris entendit.
Mais cette fois ci, résonnaient dans ses oreilles des bruits bien différents. Plus de chuchotis mais des mastications, humides, précipitées et animales.
Le lendemain, Maman relevait la présence de crottes de souris dans sa chambre.

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Chris a peur du placard
Short StoryLe placard de Chris n'est pas tout à fait comme les autres... (Nouvelle découpée en cinq petits chapitres)