Elle n'est plus là

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Écrit en septembre 2017


Je ne pensais pas sortir. Je ne voulais plus sortir et pourtant, j'en fus obligé. Je reçus un appel. L'appel que personne ne voulait recevoir. L'appel que je ne souhaitais à personne.

« Elle est morte. »

C'est tout ce que j'avais entendu avant de raccrocher. Le souffle me manquait, je ne pouvais plus respirer.

« Elle est morte. »

Cette phrase tournait en boucle dans ma tête. Je venais de te parler il y avait moins de deux heures, tu m'avais affirmé que tu allais bien, je pouvais sentir le sourire dans ta voix. J'aurais voulu te dire une dernière fois je t'aime, te dire une dernière fois à quel point tu comptais pour moi. Je ne peux me résoudre à ta mort. À ta mort, ça me paraît tellement étrange de dire ça. Tu ne pouvais pas être morte. Je ne te le permettais pas. J'avais besoin de toi. Je suis sorti en courant de mon appartement qui me semblait tout d'un coup trop petit, trop exigu pour contenir ma personne. Ma piètre personne qui n'avait pas réussi à t'aider, qui n'avait pas réussi à te donner l'envie de vivre.

Je devais sortir, je ne pouvais plus respirer l'air autour de moi, j'avais l'impression d'oublier comment respirer, j'oubliais en ce moment comment vivre, j'oubliais en ce moment la promesse qu'on s'était faite. Tu n'avais pas su tenir la tienne, tu n'avais pas su être assez forte. En marchant, j'oscillais entre la tristesse et la rage. J'hésitais entre pleurer et crier. Je m'écroulais par terre, dans la rue, les larmes coulant sur mon visage et un cri sortant de ma bouche qui me semblait aussi asséchée que le désert. Je me relevais et continuais ma course jusqu'à chez toi. Je vis de loin les gyrophares des pompiers, des ambulanciers et des policiers. Je restais figé comme la Statue de la Liberté qu'on s'était promis de visiter à nos 21 ans. Tu avais 18 ans et tu venais de t'enlever la vie, sans raison, sans rien laisser pour moi, ton meilleur ami. Tu venais de te suicider. Juste y penser me faisait mal. Juste penser que je ne verrais plus ton sourire, tes jolis yeux noirs, que je n'entendrais plus ton rire, ta voix, tes pleurs, tes cris.

Je m'approchais de ton immeuble, lorsque je fus arrêtée par une policière. Je m'arrêtais, présentement terrorisé. Je venais de sortir de chez moi. Je n'avais plus senti l'air frais depuis des âges, me semblait-il. Je regardais la policière, le regard autant hagard qu'un chevreuil devant les phares d'une voiture. Plus un son ne sortait de ma bouche, plus aucun geste n'émanait de mon corps, j'étais figé. Une pensée tournait dans ma tête, je souhaitais te rejoindre, je souhaitais moi aussi, rompre notre promesse : celle de ne jamais vivre l'un sans l'autre. On s'était promis de vivre et de mourir ensemble, mais tu m'avais trahi, tu étais morte sans moi, sans ma main dans la tienne. Le souffle me manquait, j'avais oublié comment inspirer et expirer.

Je sentis quelqu'un poser sa main sur mon épaule et comme un automatisme, je murmurai ton nom : Angel... C'est ce que tu étais à présent, tu étais un ange ; mon ange. Tes parents savaient-ils, il y a dix-huit ans, à quel destin ils te livraient ? Savaient-ils que ton prénom allait sceller ton destin ? Angel... Mon ange. J'avais vu ta détresse, mais perdu dans la mienne, je n'avais pas su t'aider. Je faisais une piètre personne, un ami indigne. Angel... Mon ange, mon amour. Je t'aimais. Je suis tellement triste de ne pas avoir réussi à te le dire avant qu'il ne soit trop tard. Je t'aimais Angel et je t'aimerais toujours. J'étais ton démon, ton Demon. Nos parents savaient-ils quand nous donnant ses prénoms, ils écrivaient notre fin ? Je ne crois pas, sinon, ils nous auraient nommés autrement. Mon ange, je voyais ton corps sans vie passer devant moi, je voyais ton corps sans âme être monté dans cette ambulance. Angel.... Je recommençais à courir à en perdre l'haleine. Angel... Il me semblait entendre notre chanson. « Bring me to life » jouer, alors que je courais. Je l'entendais jouer dans ma tête « Bring me to life... Frozen inside without your touch.... Without your love, darling... Only you are the life among the dead... Bring me to life. »

Je n'étais plus rien sans toi, je n'étais plus rien sans la chaleur de tes bras, sans ton toucher, sans tes larmes et tes cris. J'étais au milieu de la rue et j'attendais la mort. Nous serons réunis à nouveau mon amour. C'est une promesse que tu ne pouvais pas briser. J'attendais la mort comme un enfant attend Noël. Lorsqu'elle m'a fauché, elle fut étonnée de me voir l'accueillir comme une amie, le sourire aux lèvres.


Dans la noirceurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant