- La Fin -

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Chapitre Final
Partie II

Incapable ne serait-ce que de fermer les yeux, je ne peux qu'assister, impuissant, à l'apparition de la ... Soudain, le nom de la Bête perd tout son sens.

Un visage de femme se tient à quelques centimètres du mien. Je sens ses mains froides et dures entourant mon visage pourtant cette sensation ne suffit pas à me détourner de son regard hypnotisant. C'est le plus beau visage que j'ai jamais contemplé de toute ma courte vie. Des cheveux de jais tombent en cascade autour d'un visage rose et enfantin, mangé par des yeux d'émeraude, brillants d'une lueur cruellement hypnotique. Je ne peux détourner le regard, absorbé par sa beauté. Je sens qu'il y a là une forme de magie qui sers à tromper le cœur et l'esprit. Car la beauté de la Bête n'appelle pas à un geste d'amour, elle ne donne pas envie de se perdre dans ses bras comme la beauté chaleureuse de ma mère.

Mais même en ayant compris le piège du monstre qui se tient face à moi, je n'en suis pas libéré pour autant. Ses yeux fixés sur moi me forcent à rester sur place et appellent mon propre regard à se perdre dans le sien. Je résiste un infime instant mais je sens finalement ma conscience du monde extérieur commencer à faiblir.

J'oublie le temps, j'oublie où je suis et qui je suis.

Je flotte dans une mer de la couleur de la forêt. Je suis là depuis toujours. Depuis une seconde ... un an ou un millénaire. J'ai un vague souvenir d'urgence et de peur, d'appréhension. Mais pourquoi ? Je ne sais plus. Je ne ressens plus qu'une chose : la fatigue. Je pourrais fermer les yeux et tout abandonner. Mais une voix me force à rester éveillé. C'est d'abord un murmure, puis j'entend un chant. Je ne connais pas cette mélodie mais la voix est claire et pure, merveilleusement belle. Soudain le chant s'arrête et l'océan devient douloureusement silencieux.

« Qui es-tu ?»

Elle s'adresse à moi cette fois. Mais je ne connais pas la réponse à sa question.

« Qui es-tu ?»

La voix se fait plus pressante et, alors que je m'apprête à lui dire que je n'en ai aucune idée, je sens quelque chose de dure et froid contre ma tempe et un éclair blanc apparait devant moi, m'aveuglant. Soudain des images affluent, des souvenirs, mes souvenirs. Mon père, ma mission, Isů, la Bête...

« Je suis Vaël. Ma voix est rauque, les mots ont du mal à sortir. Je suis Vaël et je suis venu sauver mon père. »

La voix devient un rire, clair et musical. J'ai déjà entendu ce rire...

« Et vous, vous êtes la Bête ... même si vous n'en avez pas vraiment l'aspect. »

Elle rit

« Qu'est-ce que vous avez fait à mon père ?! Où est-ce qu'il est ?!

- Je ne lui ai rien fait petit. Il est venu à moi de son plein gré.

- Oui il est venu vous combattre. Comme tant d'autres avant lui.

Le rire retentit de nouveau, haut perché. Son honnêteté me déstabilise.

- Oui beaucoup d'hommes ont cherché à vaincre la mort. Mais ton père n'en faisait pas parti.

Je ne comprends pas

- Ma mère m'a dit qu'il était parti vous trouver, trouver la Bête.

- J'ai eu des noms plus glorieux... mais oui ton père est venu me trouver.

Cette fois je perds mon calme

- Qu'est ce que tu lui as fait ?! j'essaye de me tourner dans la direction de la voix mais je ne peux rien faire faire dans cet océan émeraude. L'espace autour de moi n'offre aucune résistance et mes membres lourds et engourdis s'enfoncent dans le vide sans me faire bouger. Je suis complètement impuissant face aux pouvoirs de la Bête.

- Petit ... arrête de lutter, tu as compris ce qu'il se passe.

- Non je...

- Petit ...

- Tais-toi ! mes yeux me piquent, je refuse de croire à cette éventualité. Mais la bête n'a que faire de mes états d'âme. Sa voix résonne à mes oreilles comme des coups de marteau :

- Ton père est parti, petit. Il est mort. Il est venu me trouver après être tombé sur le champ de bataille.

- Tu ... tu n'es pas la Bête...

- Si petit, je le suis, entre autres noms.

- ... Tu es la mort.

- Je suis toutes ces choses, j'accueille les guerriers tombés au combat dans ma demeure. L es gens ont fait de moi quelque chose de mauvais mais je ne fais de mal à personne.

- Mais ... mon père...

- Tu sais déjà ce qu'il s'est passé, tu ne voulais seulement pas le voir mais maintenant ... tu dois ouvrir les yeux.

Sur ces mots, un nouvel éclair blanc m'éblouit et d'autres souvenirs affluent : un mois avant mon départ, mon père et les guerriers du village sont partis en raid dans des terres lointaines. Je me souviens alors de ses derniers mots. C'est le petit matin, ma mère à l'air inquiète mais fière de son mari, qui se tient grand et fort devant elle. Il se baisse à ma hauteur et plante se yeux gris dans les miens. « Je pars défier la Bête mon fils, prend bien soin de ta mère. » sa grosse moustache sombre remue au-dessus de sa bouche. Je me souviens qu'il disait ça à chaque fois qu'il partait au combat. « Défier la Bête ». Sa façon à lui de dire qu'il partait pour un périple dangereux. Toutes ces légendes qu'on racontait à propos de cette bête qui ne laisse repartir aucun des guerriers qui viennent la trouver... Oui l'évidence était sous mes yeux depuis le début.

L'image de mes souvenirs commence à faner jusqu'à ce que je sois de nouveau dans cet univers glauque qui m'entoure. Je me sens vide, je ne sais plus où j'en suis.

- Alors je ne le reverrais plus jamais...

- Si petit, tu le reverras. Seulement pas tout de suite. Tu dois d'abord apprendre à aller de l'avant, vivre. Ton père était un grand guerrier et il est tombé en héros. À présent Il festoie avec tous vos ancêtres et Odin en personne et un jour, tu le rejoindras. Quand ton temps sera venu.

Les larmes montent et coulent le long de mes joues, sans bruit. Une question me vient.

- Si tu ne laisses repartir aucun des guerriers qui viennent à toi, comment peux tu dire que mon heure n'est pas encore venue ?

- Mon cher enfant, tu es venu en combattant et en sauveteur mais tu n'es pas un guerrier... pas encore.

Et j'entends comme un sourire dans sa voix. Alors je souris aussi et je ferme les yeux, doucement. Pour chasser les larmes.

Les souvenirs que la mort m'a rendus dansent devant mes yeux, et, à l'abri derrière mes paupières, je profite une dernière fois des ultimes moments passés avec mon père, pendant qu'ils paraissent encore si réels.

Et alors que les images s'estompent, je sens un rayon de soleil sur mon visage qui me pousse à ouvrir les yeux. Mes paupières tressautent et je suis aveuglé pendant quelques secondes. Quand enfin l'éclat aveuglant du soleil se dissipe, je distingue autour de moi une prairie d'herbe haute et tendre qui monte en pentes douces vers de grands sapins sombres. Je suis assis sur un gros rocher à coté duquel passe un chemin de terre qui descends de la forêt. J'entends alors un aboiement et un gros chien noir tout ébouriffé apparait au milieu des herbes. J'essaie de l'appeler mais ma voix est rauque comme lorsque l'on a trop pleuré et je n'arrive qu'à murmurer.

- Isů ... qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Isů me regarde intensément mais ne répond rien. Je prends sa tête entre mes mains.

- Tu ne me diras plus rien, pas vrai ? Dis-je, toujours à voix basse, mes yeux plantés dans les siens. Comme si on partageait un secret. Est-ce que j'ai rêvé tout ça ? Mon regard se porte vers la forêt de sapins et le sommet dénudé de la montagne.

D'un aboiement Isů me rappelle à la réalité. Je remarque alors une petite tache blanche d'une forme vaguement étoilée, sur son front.

- Ça a toujours été là, ça ?

La mission de VaëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant